L’annonce que du pétrole iranien serait livré au Liban via la Syrie et grâce à la médiation du Hezbollah, un mouvement chiite pro Iran, a provoqué des réactions diplomatiques en cascade qui ont paradoxalement permis de débloquer une situation politique gelée depuis treize mois.
Tout commence le 19 août 2021, lors d’un discours d’Hassan Nazrallah qui a choisi le jour de l’Achoura, fête religieuse pour les sunnites et les chiites, pour annoncer la nouvelle. Pour remédier au manque d’énergie qui paralyse le pays, le Secrétaire général du Hezbollah annonce qu’un « premier navire transportant des tonnes de carburant va partir de l’Iran dans quelques heures vers le Liban ». Les Libanais sont alors partagés entre la stupéfaction d’en finir avec les longues files d’attente devant les stations d’essence, la joie ne plus courir le risque de coupures dramatiques de courant dans les hôpitaux et les craintes. Le pétrole iranien est soumis à un embargo américain et toute violation de celui-ci pourrait entrainer des sanctions contre Beyrouth.
Autre source d’inquiétude, quelle sera la réaction d’Israël devant ce que cet Etat ne manquera pas de jugé comme une provocation ? Hassan Nazrallah a anticipé et déclaré « ce bateau est considéré comme territoire libanais. » Une petite phrase à l’allure anodine pourtant très explicite : toute attaque contre ce navire sera considérée comme une agression contre le pays et engendrera une réponse proportionnée.
La bourde de l’ambassadrice américaine
Prise de court et souhaitant visiblement doubler de vitesse le Hezbollah, Dorothy Shea, l’ambassadrice américaine à Beyrouth fait part au président Aoun, de la décision de l’administration US « de faire parvenir de l’électricité au Liban en provenance de Jordanie, via la Syrie en alimentant Amman avec du gaz égyptien.» Cette déclaration faite le 19 août dans la foulée de celle de Nazarallah est surréaliste à plus d’un titre. D’une part, cette ligne électrique arabe Amman, Beyrouth via les territoires syriens existe depuis longtemps, mais ce sont les USA eux-mêmes qui ont dès 2011 interdit à la Jordanie d’alimenter cette ligne pour sanctionner Damas. D’autre part, cela revient à lever une partie de la loi César contre la Syrie qui pourrait à la fois utiliser cette énergie, dont elle a bien besoin, et recevoir des droits de passages.
Enfin, cette ligne a été endommagée pendant la guerre et la remise en service pourrait prendre six mois, voire plus, or le Liban ne peut plus attendre. Mais le Hezbollah et ses alliés se gardent bien de relever ces incongruités et profitent de ce « feu vert exceptionnel » des Etats-Unis. Dès le 5 septembre, des ministres syrien, égyptien, libanais se réunissent à Amman pour établir un plan de travail et un calendrier, une première depuis 10 ans…
Paris, Washington et le FMI sous pression
La crainte de voir l’Iran et son allié le Hezbollah remporter la mise a boosté Paris et Washington qui ont intensifié leurs pressions sur les hommes politiques libanais. Et, comme par miracle, les interminables tractations qui duraient depuis plus d’un an ont cessé, le Président Aoun et Premier ministre Najib Mikati ont réussi à trouver un accord et le gouvernement a enfin vu le jour le 10 septembre. Même si rien ne laisse préjuger de la réussite de la cette nouvelle équipe, ce déblocage a permis au FMI de verser 1.13 milliard de dollars au titre de droits de Tirage spéciaux, une somme arrivée le 17 septembre à la Banque du Liban. D’autres négociations devraient avoir lieu prochainement avec la Banque Mondiale et le FMI.
Ce n’est certes pas la fin du calvaire des Libanais qui sont confrontés à un effondrement de la livre libanaise et aux pénuries de pain, de médicaments. Mais c’est une lueur d’espoir pour sortir du gouffre.
Hezbollah, la victoire d’un jour
Le Hezbollah a donc joué un joli coup de pub. Le premier tanker est arrivé en Syrie au port de Banias le 14 septembre, trois jours plus tard, le mazout arrivait par camions citernes en territoire libanais sous les hourras de ses partisans défiant ainsi toutes les sanctions US imposées à l’organisation d’Hassan Nazrallah, à la Syrie et à l’Iran. Comme le reconnaît le New York Times, « la crise du carburant a déclenché une sorte de confrontation entre le Hezbollah et ses alliés et les États-Unis pour savoir qui pourrait agir plus rapidement pour soulager la douleur de la population, une compétition que le Hezbollah a remportée, au moins pour la journée. »
La livraison du fuel iranien, un bon coup de pub du Hezbollah