Isaad Rebrab, l’un des hommes d’affaires les plus prospères en Afrique et en Algérie, est clairement dans le collimateur de la Présidence de la République algérienne. Selon les sources de Mondafrique, le palais d’El-Mouradia a commandé au Premier ministre, Abdelmalek Sellal, une enquête sur le groupe Cevital, notamment sur les fonds qui ont permis d’investir dans l’usine Brandt en France. Joint par Mondafrique, l’indutriel estime qu’il s’agit « de vieilles enquètes ». « J’ai toujours agi dans la transparence. Les autorités françaises ont été tenues informées de la nature des fonds investis et n’ont rien trouvé à redire ».
De l’art de se sucrer
L’enquête demandée par la Présidence algérienne devrait également, soulignent les sources de Mondafrique, déterminer le niveau de complaisance dont aurait bénéficié Isaad Rebrab au sein de la Banque d’Algérie pour investir des dizaines de millions d’euros en France et à l’étranger. Ces transferts de devises ont-ils respecté la réglementation algérienne relative aux changes? Les conseillers du Président Abdelaziz Bouteflika ne semblent pas le penser.
Par ailleurs, les douanes algériennes devraient procéder, dans les semaines qui viennent, à l’analyse des prix des matières premières importées par Isaad Rebrab. Les services des douanes vont éplucher de près les cours déclarés par Rebrab et ceux pratiqués sur les marchés mondiaux. Son groupe contrôle notamment 80 % du marché algérien du sucre. « Notre part du marché reste confidentielle, explique Isaad Rebrab, nous sommes leaders pour le sucre, mais il existe trois autres raffineries dans le pays. Où est le problème? »
Au ministère des Finances et de l’Industrie en Algérie, des cadres soupçonnent pourtant Isaad Rebrab de gonfler les prix de la matière première importée. Au moment où les prix baissent sur les marchés mondiaux, les prix du sucre écoulé par le groupe d’Isaad Rebrab demeurent très élevés. Par ailleurs, la Cellule de Traitement du Renseignement Financier (CTRFI) a transmis un ancien rapport au Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Il y est question, indiquent nos sources, de plusieurs transferts de devises diligentés par Rebrab dans une certaine opacité.
Guéguerre Bouchouareb-Rebrab
Les instructions du pouvoir algérien interviennent au moment où le ministre de l’Industrie algérien, Abdessalem Bouchouareb est ouvertement en guerre contre Isaad Rebrab. Après l’avoir accusé de fausses déclarations et de transferts illicites de devises, Bouchouareb a adressé un rapport accablant sur Rebrab à Abdelmalek Sellal, a-t-on appris de plusieurs sources à Alger.
Bouchouareb reproche au groupe Cevital de développer un taux d’intégration très faible qui n’aide guère l’Algérie à se développer économiquement. « C’est un transformateur et non pas un industriel », a dénoncé Bouchouareb qui tente de pousser Sellal à convoquer Isaad Rebrab pour lui demander des explications sur les impacts des importations de Cevital sur la balance de paiement de l’Etat algérien.
« Rebrab et ses fils ne cessent pas de s’attaquer au projet de l’usine de montage de Renault en Algérie. Mais, ils oublient de reconnaître que Renault développe en Algérie un taux d’intégration de 17 %. Hyundai, la marque sud-coréenne commercialisée par Rebrab en Algérie n’a même pas fabriqué un rétroviseur dans notre pays », confie un autre conseiller au ministère de l’Industrie algérien.
L’heure des comptes
Est le début d’une longue descente aux enfers pour Isaad Rebrab? « Depuis de longues années, le Président Bouteflika le considère comme le Berlusconi algérien. Il ne l’a jamais porté dans son coeur à cause de ses alliances avec les généraux des années 90 qui ont longtemps saboté le travail de la Présidence depuis 1999″, indique un proche de la famille Bouteflika. L’homme le plus riche d’Algérie passe en effet pour être très proche des généraux éradicateurs des années noires. » Je n’ai de liens avec aucun général », se défent Rebrab N’a-til pas pourtant signé une pétition en faveur de l’ancien ministre de la Défense nationale, le général Khaled Nezzar, l’un des principaux acteurs de la guerre contre les islamistes? « C’était une pétition contre l’intégrisme, estime Rebrab, mon devoir était de soutenir une personnalité comme Nezzar qui fut à la tète de ce combat ».
Après le départ du général Toufik, le grand chef des services algériens, Isaad Rebrab apparait isolé, mais toujours entreprenant et bénéficiant de nombreux appuis en France, dont l’ancien ministre français de l’Industrie, Arnaud Montebourg. Le clan présidentiel parviendra-t-il à faire vaciller le « Berlusconi Algérien » ?