L’aller retour express de Jean Yves Le Drian à Beyrouth, sans le moindre résultat concret arraché à la classe politique libanaise, est à l’image d’un monde où la France avance à contre courant de l’histoire.
Une chronique de Xavier Houzel
Le 27 mars 2021, l’Iran signe avec la Chine un « Pacte stratégique de coopération commerciale ». Les termes de l’Accord ne sont pas publiés et les détails en sont tenus secrets mais on sait qu’il s’agit d’un échange de Pétrole à prix d’ami contre l’investissement par la Chine dans des domaines variés à concurrence de 400 milliards de Dollars, sur une période de 25 ans.
Vers un monde sans le dollar
Vu de l’Ouest, cet épouvantail ne peut être né que d’une subtilité persane et d’une chinoiserie fourbe. En agitant le Pétro-Yuan comme un hochet, la Chine réveille le spectre de la dédollarisation de l’Asie et du monde ; la force de dissuasion de cet argument est celle d’un engin nucléaire. Nul ne peut dire dans les chancelleries occidentales, ni même à Moscou, s’il faut prendre au sérieux le pied de nez ou si c’est, à l’inverse, une feinte[1].
Mais leurre ou pas, l’effet est le même. La Chine y gagne un rabais qu’il sera difficile de gommer à l’avenir ; on l’imagine goguenarde. Le coût pour l’Iran est à la mesure de l’enjeu, mais il est très rare qu’un accord-cadre commercial dure 25 années sans un accroc. Pékin en profite pour se payer la tête des faiseurs de pluie du monde entier en prétendant pouvoir régler d’un coup de baguette le problème israélo-palestinien, en le soulevant par en dessous et en le pinçant comme le riz ! Chiche ?
L’Iran: « j’y vais, j’y vais pas »?
En Iran, les cercles du pouvoir s’affairent au jeu du « j’y vais ou j’y vais pas ». Les uns donnent des sueurs froides aux auteurs de pseudo-fuites des confidences susurrées par le ministre Zarif pour la postérité au micro d’un enregistreur baladeur[2] ; les autres donnent des haut le cœur aux observateurs attentifs à la métamorphose des gardiens de la révolution en colombes ! Le Guide Suprême s’en délecte. Pis, il se marre, ravi du coup !
L’Amérique n’a pas d’autre solution que celle de s’amadouer, à défaut de s’amender ; son président revêt son beau costume pour dire qu’il est prêt à réintégrer l’Accord de Vienne (Joint Comprehensive Plan of Action ou JCPoA) avant les élections.
Le Drian à Beyrouth: un « has been »
Ce qui faisait le sel des échauffourées pendant quatre décennies a fondu comme sable sous la braise : le royaume d’Arabie saoudite et la République Islamique d’Iran vont entretenir des relations fraternelles[3] . Le Liban inaugurera un marché commun avec la Syrie[4] et l’Irak : ils se reconstruiront ensemble, ce qui n’est pas faire les frais d’un rapprochement[5]; leurs retrouvailles avec les monarchies du Golfe[6] sont dans la nature des choses. C’était le vœu de l’ancien roi Abdallah et c’est la chance de Bachar.
Une Délégation de haut rang est actuellement à Damas pour y préparer la réconciliation officielle de l’Arabie saoudite avec la Syrie[7] ; les points de passage, via la Jordanie, entre la Syrie et le royaume sont rouverts. La réintégration de l’État Syrien au sein de la Ligue Arabe est une question de jours.
C’est pourquoi le baroud d’honneur du ministre Français à Beyrouth a fait tant de peine à voir[8]. Jean-Yves Le Drian y faisait figure de has been et la France de pays qui radote à contre-courant de l’Histoire.
[2] https://besacenter.org/what-the-recently-leaked-recordings-reveal-about-iran/
[5] https://www.lorientlejour.com/article/1260978/le-liban-pourrait-il-faire-les-frais-dun-rapprochement-possible-entre-damas-et-les-pays-du-golfe-.html?utm_source=olj&utm_medium=email&utm_campaign=alaune