Le point fort du système électoral congolais, qui organise ce dimanche 21 mars une élection présidentielle d’où le Président Sassou sortira forcément vainqueur, c’est qu’il n’est pas nécessaire de veiller tard dans la nuit pour en connaître le résultat.
Le pouvoir congolais a fermé depui shier dimanche tous les accès à Internet, une décision qui éclaire,s’ilétait besoin, l’imposture que constitue un scrutin présidentiel sous la dictature du président Sassou.
Une analyse d’Eric Laffitte
Ce dimanche, 2,5 millions Congolais sont appelés à voter « massivement » pour élire leur Président. Candidat à un quatrième mandat consécutif, Denis Sassou N’Guesso, 77 ans , et 36 années cumulées au pouvoir, fort d’un bilan une nouvelle fois calamiteux, sera donc réélu « dans un fauteuil » c’est-à-dire dès le premier tour.Le scénario est tellement rodé qu’aucun commentateur politique n’envisage en effet l’hypothèse d’un second tour.
Confronté à cette absence remarquable d’alternance depuis des décennies, le ministre Anatole Collinet Makosso et porte-parole du Président-candidat, objecte qu’Angela Merkel « multiplie les mandats » sans que personne n’y trouve à redire. Et toc !S’il est bien acquis par tous les participants que cette élection n’est qu’une vaste mascarade, cela ne signifie pas qu’elle soit dénuée d’intérêt.
Circulez, rien à voir !
La seule passe d’armes qui aurait pu troubler cette démocratie d’opérette est l’annonce par Guy Parfait Kolelas, le principal opposant à s’être présenté, qu’il entendait produire ses propres résultats. Son hospitalisation en irgence à Paris samedi soir le prive désormais detoute possibilité de mettre son plan à exécution. Son absence forcée laisse un boulevard au Président Sassou. « Moi, je vais prendre en compte les procès verbaux sortis des urnes. C’est ça que je publierai, pas les résultats sortis de la Conel (Commission électorale NDLR) parce-que ce sont des magouilleurs », avait ainsi déclaré Kolelas, leader de l’UDH (Union des Démocrates Humanistes). Ce à quoi le pouvoir avait aussitôt répliqué via le « Troubadour », journal dirigé par le redoutable chef de la police Ndenguet qui avait dénoncé l’appel à « l’insurrection » deKolelas, ceci pour « plonger le pays dans le chaos »(1) .Accusation assortie d’une mise en garde selon laquelle il s’agit là d’une « voie sans issue ».
C’est avec le même « mauvais esprit » que l’église catholique très influente mais traditionnellement d’une prudence de sioux est sortie de sa réserve.Dans un long message spécifiquement dédié à l’élection, on peut lire en effet : « certes, les élections sont prévues pour le 21 mars prochain, néanmoins nous émettons de sérieuses réserves qu’une élection présidentielle apaisée, participative, transparente, libre et crédible puisse être organisée dans les conditions actuelles ».Difficile d’être plus clair.
Accusée de vouloir se « venger » des restrictions sanitaires imposées lors de la célébration de Noël, l’Eglise était brutalement privée de son statut d’observateur lors du scrutin par le ministère de l’Intérieur.Elle n’aura ainsi pas l’occasion de confirmer ses intuitions.
L’après Sassou en jeu
Au-delà du résultat et du score attribué aux différents candidats au terme de savantes tractations, le véritable enjeu de cette présidentielle, c’est celui de l’après Sassou qui est dans tous les esprits.Rappelons qu’en 2016, Sassou N’Guesso avait déjà dû affronter l’un des siens, un homme du nord, qui plus est son ancien chef d’état Major et conseiller personnel, le général Mokoko.L’épisode se soldait par 20 années de prison pour Mokoko pour « atteinte à la sécurité de l’Etat ».
Bien que Jean-Yves le Driant, – ministre français des Affaires étrangères – une voix qui compte un peu dans la région, ait réclamé publiquement sa libération, Mokoko croupit toujours en prison.
Comme l’avait alors pronostiqué « Mondafrique », qui expliquait que le véritable crime de Mokoko n’était pas tant de s’être prêté à un « pu-putch » déjoué discrètement par les services secrets français (soucieux d’éviter la reprise de la guerre civile), mais d’avoir trahi les siens, le clan M’Bochi.Très largement minoritaire dans le pays, les Mbochis arrivés au pouvoir par la force des armes au terme de la terrible guerre civile de 1997, détiennent sans partage tous les leviers de l’Etat et de l’économie, mais sans espoir aucun de s’imposer lors d’une consultation démocratique.
Mais comment se résoudre dans ces conditions à prendre le risque de lâcher le pouvoir et s’exposer au risque de représailles massives de « sudistes » revanchards, à celui de tout perdre ?
Dissensions au sein du sérail
Face à cette impasse, à ces incertitudes, dans un contexte de profonde disette économique, désormais sous la tutelle drastique du FMI, les dissensions se sont multipliées au sein même des partisans de Sassou dont la tentative pour imposer son fils « Kiki » pour lui succéder n’a pas abouti.
Quel que soit le talent incontestable de manœuvrier du dictateur congolais, notamment au niveau international, l’ère Sassou est en fin de cycle et il n’y a plus que Jeune Afrique pour oser titrer « Tranquille comme Denis Sassou », dossier consacré à cette élection quand Sassou est assis sur un volcan.
Alors, existe-t-il une alternative au tribalisme qui empoisonne la vie politique congolaise depuis des décennies ?C’est ce pourquoi milite depuis des mois l’opposant et ex-prisonnier politique Modeste Boukadia, avec le projet d’une grande conférence internationale, laquelle, au prix d’une amnistie, garantirait les droits et la protection des M’Bochis s’ils se résignaient enfin à l’alternance.
Le chemin d’avenir ?
(1) En 2016, la période post-électorale, avait été marquée par une quasi-insurrection dans la région du Pool, fief d’une opposition forte dans le sud du pays.
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