Le cap du million de migrants arrivés en Europe en 2015, et provenant principalement du Moyen-Orient, vient d’être franchi. Les pays africains restent parmi les principaux points de départ de populations en quête d’un meilleur avenir.
Une étude de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) datée du 12 décembre dernier analyse les flux de migrants illégaux d’Afrique centrale et de l’Ouest arrivant en Europe par la mer via l’Afrique du nord.
En cela, elle comble un vide. Jusqu’à présent, les médias s’étaient plutôt concentrés sur les migrants originaires de la Corne de l’Afrique, notamment de l’Erythrée. Certes, ils sont nombreux. Mais quand on fait le triste décompte des infortunés qui perdent la vie en Méditerranée en tentant d’atteindre « la riche Europe », on réalise qu’ils ne représentent que 10% du total, contre 34% d’originaires d’autres régions du continent. Bon à savoir : ce ne sont pas les plus pauvres de ces pays qui s’en vont, mais ceux qui ont le moins d’espoir dans la possibilité de réaliser leur ambition d’ascension sociale sur la terre de leurs ancêtres, et qui peuvent réunir des moyens pour financer leur coûteuse traversée. Il s’agit d’abord et avant tout d’une fuite (et souvent d’une fuite en avant) d’une classe moyenne aspirante et contrariée.
D’où proviennent donc ceux qui, mus par le courage du désespoir, franchissent la mer de tous les périls pour rejoindre la « riche Europe » ? L’OIM dresse une sorte de « top 10 » intéressant à analyser.
- Le Nigeria
Pays le plus peuplé d’Afrique, le Nigeria, désormais considéré comme la première puissance économique du continent, continue toutefois de « vomir » nombre de ses enfants. Il est largement en tête du « classement », selon les données de Frontex et de l’OIM. Ainsi, 19 576 Nigérians sont arrivés en Europe par la mer entre janvier et octobre 2015. La proportion de femmes parmi les migrants est très élevée quand on la compare à celle des autres pays. Les « migrantes » représentent le quart de la population arrivant illégalement en Italie.
- La Gambie
Pays minuscule littéralement logé à l’intérieur du Sénégal, la Gambie serait en réalité le premier dans le « top 7 » si on le rapportait à la démographie globale des nations concernées. Le pays dirigé d’une main de fer par Yahya Jammeh a enregistré 6759 migrants arrivés en Italie entre janvier et octobre 2015 (et 39 « débarqués » en Grèce). Comment cela s’explique-t-il ? Le caractère ubuesque du régime gambien, dont la description « noircit » les rapports des ONG spécialisées ? Peut-être. Il faut aussi prendre en compte l’extraversion structurelle de la jeunesse dans un pays réputé pour être un haut lieu du tourisme sexuel féminin. On peut également imaginer que certains candidats au titre de réfugiés préfèrent s’enregistrer comme « Gambiens » compte tenu de la réputation du système politique local.
- Le Mali
C’est un pays à tradition d’émigration : la présence du Mali dans ce « classement » (5118 personnes recensées en Italie) n’est pas surprenante. D’autant plus que la situation sécuritaire dans le Nord du pays peut justifier quelques inquiétudes et pousser certains à une forme d’exil à la fois politique et économique.
- Le Sénégal
Comme le Mali, le Sénégal (5 044 recensés) « exporte » depuis plusieurs décennies vers l’Europe (voire les Etats-Unis) une partie de sa population, qui sait pouvoir retrouver des réseaux de solidarités lui permettant de s’intégrer économiquement. L’on pense notamment à la puissante confrérie des Mourides, très active notamment dans le commerce ambulant (mais pas que…) dans de nombreux pays.
- Le Ghana
Pendant les « années terribles », de nombreux Ghanéens ont pris les chemins de l’exil. Et cette période a été très longue. On aurait pu croire que le flot tarirait alors que cela fait plus de dix ans qu’une croissance économique certes un peu en berne ces dernières années avec notamment la préoccupante dépréciation du Ghana Cedi, la monnaie nationale. Mais le fait est que 3 946 Ghanéens ont été recensés au large des côtes italiennes durant les 10 premiers mois de l’année 2015.
- La Côte d’Ivoire
La présence du pays des Eléphants dans ce classement est pour le moins surprenante. Depuis toujours, la Côte d’Ivoire est d’abord et avant tout un pays d’immigration, et les Ivoiriens ont la réputation d’être « casaniers ». Ce n’est plus le cas. Ils étaient 3 023 à arriver par les eaux en Italie durant la période étudiée. Et la tendance montre une croissance forte de leur nombre par rapport à 2014. Ce « vote avec les pieds » vient relativiser un certain nombre de discours un peu trop exaltés sur le « second miracle » ivoirien.
En septième position, on retrouve la Guinée Conakry (1916 migrants), toujours très pauvre. En huitième et neuvième positions, le Cameroun dont 425 ressortissants sont arrivés irrégulièrement en Italie, mais qui ont semblé privilégier la Grèce, destination moins importante pour les Subsahariens, avec 760 personnes décomptées ; et la RDC, dont les ressortissants préfèrent eux aussi les côtes hellènes. La Guinée Bissau, pays instable miné par le narcotrafic, boucle ce « top 10 » avec 390 personnes ayant « échoué » en Italie.