La dernière polémique lancée, à la veille du deuxième tour des élections régionales, par l’entourage de la candidate UMP, Valérie Pécresse, revient à agiter l’épouvantail de Tariq Ramadan qui aurait discrètement, dans la dernière ligne droite précédant le scrutin du dimanche 13 décembre, soutenu son adversaire, le socialiste Claude Bartolone et ses alliés du Front de Gauche.
Le porte-parole de la liste de droite, Geoffroy Didier, a en effet dénoncé le rôle qu’aurait joué Clémentine Autain, numéro deux chez Claude Bartolone, qui aurait appelé, le vendredi 11 décembre, à un meeting électoral à Saint-Denis dans la région parisienne. Et pire, l’affreux, l’insubmersible Tariq Ramadan, le BHL des banlieues, était de la partie.
« Il y en a juste marre »
Un meeting sur « l’État d’urgence et l’islamophobie » eut effectivement lieu à la Bourse du Travail de Saint-Denis, ce temple de la classe ouvrière qui fête son trentième anniversaire, Mondafrique y assistait. Et un Tariq Ramadan en pleine forme et visiblement toujours très populaire auprès de la jeunesse des quartiers, a galvanisé la salle. Son propos, comme toujours, était très structuré, sans grande faille, très centré sur la question palestinienne et la défense des libertés, y compris dans les mosquées, mais hélas toujours amnésique sur les Rois fainéants du Golfe, notamment le Qatar qui le finance généreusement, y compris à Oxford où il enseigne.
« C’est l’islam, a proclamé l’ami Ramadan, qui est constamment en cause après les attentats de Charlie et du 13 novembre, il s’agit d’une diversion stratégique. On parle d’Islam plutôt que de parler d’économie, de relations internationales et de social. Il faut que les musulmans sortent d’un positionnement de victimes. Il nous faut devenir des citoyens, et des citoyens courageux. » Offensif, cet orateur aguerri le fut contre « cette laïcité, ce foulard, cette viande Hallal qu’on nous rabat à toutes les sauces ». Autant de preuves du « désordre » grandissant. « On en a juste marre », a-t-il conclu
Que Valérie Pécresse se rassure, la ferveur de cette jeunesse métissée n’était pas vraiment destinée à encenser messieurs Claude Bartolone, François Hollande ou Manuel Valls. Bien au contraire. Dans cette ville de Saint-Denis, ensanglantée par les attentats le 13 novembre, choquée par l’ultime assaut contre les terroristes au coeur de la ville et qui fait l’objet désormais d’une surveillance incessante et culpabilisante de la police et de l’armée, la gauche n’est plus chez elle. Ce soir-là, pas un candidat socialiste pour les régionales ne se serait déplacé pour rassembler ses maigres troupes dans la capitale du 93, département dont Bartolone est pourtant le patron.
D’où la surprise de voir six à sept cent militants enthousiastes et studieux participant à un tel rassemblement, trois heures de débat de haute volée, à l’ancienne, sur le sort du monde, l’inutilité des guerres et la défense des libertés en plein état d’urgence. Essentiellement des jeunes, souvent des femmes, voilées ou pas, une foule métissée, mélangée, joyeuse qui a affirmé avec force une volonté de réinvestir le champ politique
Racisme d’État
Leur appel au rejet d’un monde politique jugé islamophobe ne souffre d’aucune ambiguité : « Pas de paix sans justice, pas de justice sans égalité ». D’après ces militants des quartiers et leurs alliés présents de la Ligue des droits de l’homme et du « Monde Diplomatique », le gouvernement français de Hollande et Valls pratique « un racisme d’Etat », multiplie « les perquisitions abusives » et « couvre les actes islamophobes ». C’est clair, les voix des musulmans n’iront pas plus aux listes de droite qu’aux listes socialistes, fussent-elles colorées par quelques élus du Front de Gauche dont un, conseiller municipal de Sant-Denis, était présent au meeting.
Plus encore, pour Marwan et ses « frères et soeurs », Manuel Valls, le Premier ministre, est l’incarnation de cette politique du « Hogra » (en arabe, « mépris ») à l’égard des musulmans, et assurément un repoussoir: « Manuel Valls, on habite eu coin de ta rue, proteste Marwan, et tu ne nous voies pas ». Et d’enchainer, très applaudi, sur un air de rap à propos de ce Premier ministre « virevoltant dans un marécage, girouette au gré des vents ».
Que la gauche au pouvoir ne vienne pas mendier auprès de cette jeunesse métissée des bulletins contre le Front National, dont il ne fut jamais question durant ce meeting, tout en piétinant leur identité. A en juger par ce rassemblement, il existe un début de structuration de ce courant identitaire dans l’espace public français. Et c’est évidemment une bonne nouvelle quand la loi des caïds de la drogue et des apprentis terroristes règne sur trop de quartiers abandonnés à leur sort.