Alors que le Conseil supérieur de l’éducation, sous la pression des défenseurs de la langue arabe, a tranché en faveur de l’enseignement de certaines matières en arabe et en français, le ministère de l’Éducation a, lui, opté pour un enseignement exclusivement francophone. Une décision qui a suscité la colère du Chef du gouvernement Abdelilah Benkirane qui s’est empressé de demander son annulation.
«La francisation de l’enseignement allumera le feu. Le choix (de la langue de l’enseignement NDLR) c’est le Chef du gouvernement qui le fera». C’est en ces termes que le Chef du gouvernement Abdelilah Benkirane s’est adressé au ministre de l’Education nationale Rachid Benmokhtar, lors d’une séance de questions à la Chambre des Conseillers, mardi 1er décembre.
Après avoir conseillé au ministre de «s’occuper, en priorité, des graves dysfonctionnements de l’Education nationale», Benkirane a révélé aux parlementaires qu’il a «adressé une requête au ministre de l’Education, afin que celui-ci revienne sur sa décision d’enseigner certaines matières en français».
L’arabe menacé
L’affaire remonte au 19 octobre. Dans une note adressée aux académies régionales ce jour là, le ministre de l’Éducation Rachid Belmokhtar a informé celles-ci du changement de la langue d’enseignement de plusieurs matières qui étaient enseignées en arabe, et le seront en français dès la prochaine rentrée scolaire. La mesure concerne l’enseignement des mathématiques en première et deuxième année du baccalauréat Sciences économiques et gestion, ainsi que la physique et les mathématiques pour les filières Sciences et technologies de l’électricité et Sciences et technologies de la mécanique.
Quelques jours à peine après la diffusion de la note, des personnalités du PJD et du MUR (Mouvement unicité et réforme, matrice idéologique du PJD), ainsi que des ONG de défense de la langue arabe sont montées au créneau pour dénoncer ce qu’ils nomment « une croisade contre la langue arabe », et une volonté de contribuer à la « colonisation culturelle du Maroc ». Ahmed Raissouni, ex-président du MUR, accuse le ministre de l’Éducation de servir « des agendas politiques et idéologiques étrangers », et de faire fi de la Constitution, « qui a fait de la langue arabe la langue officielle du Maroc ». La Coalition nationale pour la langue arabe, un regroupement d’acteurs associatifs, estime, elle, que la décision ministérielle constitue un « grave danger pour l’Éducation nationale ».
Du coté du ministère de l’Éducation, on soutient que cette décision a été prise pour « remédier au manque de cohérence et de complémentarité des matières dans l’enseignement secondaire ». Car si physiques et mathématiques sont enseignées en arabe, plusieurs autres matières spécifiques aux branches Sciences économiques et gestion, Sciences et technologies électriques et Sciences et technologies mécaniques sont, elles, étudiées en français. « Sans oublier qu’une fois le bac passé, le futur étudiant de ces branches étudiera toutes les matières en français », explique un membre du syndicat national de l’enseignement (SNE) qui précise que « l’enseignement des mathématiques et des la physique en français a été demandé par des professeurs de ces filières, qui ont noté que le passage brusque d’une langue à l’autre dans l’enseignement supérieur n’est pas pour aider les étudiants ».