Fermées en raison de la pandémie du COVID 19, les églises au Gabon ont décidé , sans autorisation, d’accueillir à nouveau les fidèles. Est ce la naissance d’une nouvelle force d’opposition?
Par Jocksy Ondo Louemba
Tout a commencé avec l’arrivée du Covid 19 qui a poussé l’exécutif gabonais à prendre une série de mesures pour contenir la pandémie parmi lesquelles la fermeture des lieux de culte.
Conscient de gouverner une population autochtone majoritairement chrétienne, le gouvernement de l’époque avait pris la peine de préciser à la suite de la fermeture que « les forces de défenses seront autorisées à pénétrer dans les domiciles pour vérifier le respect des meures » avant de préciser que cette disposition particulièrement décriée vise principalement « les débits de boissons dissimulé dans les domiciles » ainsi que les « maisons transformés en lieux de culte ».
La naissance d’un front pour la réouverture des lieux de culte
La fin du confinement, l’allègement de mesures restrictives mais surtout la violation par le gouvernement lui-même de ses propres mesures comme la tenue d’une manifestation politique ne respectant nullement les mesures gouvernementales organisée pour célébrer la nomination de l’ancien « Monsieur Covid » le Dr. Guy Patrice Obiang au poste de Ministre de la Santé, ont fini par pousser les chrétiens à demander la réouverture des lieux de culte à leurs responsables religieux. Sensibles à cette pression des fidèles, les responsables des églises demandent alors la réouverture des lieux de cultes aux autorités politiques compétentes et leur réponse ne se fait pas attendre.
Le duel entre le Ministre de l’Intérieur et l’Archevêque de Libreville
Dans un premier temps le Ministère de l’Intérieur oppose une fin de non recevoir à la demande des ecclésiastiques. Alors que certains prêtres tentent d’organiser des messes celles ci sont interdites parfois avec le recours à la force policière. Ce premier refus, a pour conséquence le durcissement du ton vis à vis du « pouvoir temporel » en prenant la peine de préciser que les chrétiens du Gabon serait prêt à désobéir au « pouvoir politique » pour « obéir à Dieu ».
Monseigneur Jean Patrick Iba Ba, Archevêque métropolitain de Libreville prends alors la tête de la fronde et annonce unilatéralement la réouverture des églises catholiques le 25 Octobre après des jours de jeune et de « prière pour la nation ». Conscient de la menace et aussi du pouvoir politique de ce nouvel adversaire qui fut pourtant jusqu’ici son fidèle allié, l’exécutif Gabonais entreprend par le biais du Ministre de l’intérieur Lambert Noel Matha ( par ailleurs responsable direct des cultes au Gabon) d’apaiser les esprits tout en reprenant la main. Ainsi, il annonce la réouverture des églises pour le 30 Octobre, avec des dispositions particulières notamment concernant le nombre de fidèles et aussi le paiement des offrandes obligatoirement par transfert électronique.
La réponse de l’archeveque de Libreville est sans ambiguité : « Nous aussi, nous continuons notre marche vers le 25 octobre parce que c’est Dieu qui guide l’histoire » avant de persister et de signer : « « Aucune porte de nos paroisses ne restera fermées le 25 octobre. Nous allons célébrer le Dieu-Vivant »
Ali Bongo à la rescousse
Intervenant dans la querelle entre l’Eglise et l’Etat, le chef de l’Etat Gabonais Ali Bongo après avoir reçu le Premier Ministre Mme Ossouka Raponda et le Ministre de la Santé a pris fait et cause pour son Ministre de l’Interieur. C’est sur Facebook qu’Ali Bongo a annoncé son soutien aux « mesures d’allègement » au en écrivant : « Ma ligne d’action est claire : priorité est donnée à la protection sanitaire des populations afin que le maximum de vies soient épargnées ; puis au retour progressif au cours normal de nos vies en privilégiant les activités économiques et sociales les plus essentielles » avant de terminer en affirmant qu’il « ne reculerai devant aucune décision pour protéger les Gabonais(es), en particulier sur le plan de la santé ».
Une nouvelle force d’opposition ?
Si l’Eglise Catholique a toujours joué un rôle politique au Gabon tant par ses positions notamment contre la peine de mort et aussi par le biais de certains de ses membres dont les plus illustres ont joué un rôle politique majeur comme le Père Paul Mba Abessole, elle cependant toujours veillé à ne pas s’opposer directement au régime en place. La posture du nouvel Archevêque de Libreville ainsi que les déclarations des autres prélats notamment contre la dépénalisation de l’homosexualité constituent-ils un nouveau positionnement politique de l’Eglise catholique Gabon? Mgr Jean Patrick Iba Ba, Archevêque métropolitain de Libreville finira t-il par devenir plus « raisonnable » ou marchera t-il dans les pas de ses pairs Mgr Malula au Zaîre qui affronta Mobutu ou du Cardinal Biayenda qui paya de sa vie son engagement au Congo Brazzaville? Impossible de répondre avec certitude.
Pour l’heure, l’exhortation du Pape Jean Paul II prononcé lors de sa visite en 1982 : » Eglise du Gabon, lève toi et marche! » est le nouveau signe de ralliement tant des chrétiens désireux de célébrer à nouveau la messe dans leurs églises que des partisans d’un changement de régime qui sont eux aussi pour la plupart de fervents chrétiens …