A dix jours d’intervalle, le 15 et 25 septembre 2020, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), qui siège à Arusha ( Tanzanie), a ordonné de nouvelles injonctions au chef de l’Etat ivoirien en pleine campagne électorale pour un troisième mandat.
A un peu plus d’un mois de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020, les décisions de la CADHP) tombent au plus mal pour Alassane Drame Ouattara.
Il est peu probable que le président Ouattara accepte d’y répondre favorablement, d’autant que ces deux décisions de la juridiction de l’Union africaine concernent Guillaume Soro et Laurent Gbagbo. Ces deux Ordonnances sont certes des décisions provisoires, en attendant le jugement au fond des requêtes principales, mais elles s’imposent néanmoins, en raison du « principe de l’ autorité de la chose jugée ». La décision unilatérale de la Côte d ‘Ivoire de retirer » sa Déclaration de compétence », en avril 2020, suite à des premières décisions défavorables de la Cour, concernant déjà Guillaume Soro et la Commission électorale indépendante jugée non démocratique, n’ est pas opposable aux deux Ordonnances de septembre 2020. Selon les statuts de la Cour, tout retrait de la Déclaration de compétence ne peut entrer en vigueur qu’après un délai de 12 mois. Ce n’est donc qu’en avril 2021 que la Côte d’Ivoire ne sera plus liée avec la Cour d’Arusha.
Deux Ordonnances aux effets différents
Guillaume Soro et Laurent Gbagbo ont été condamnés, pour des motifs différents, à 20 ans d’emprisonnement et privés de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. La décision de la Cour constitutionnelle a confirmé le 14 septembre 2020 cette double inéligibilité.
L’Ordonnance de la CADHP du 15 septembre 2020 relative à Guillaume Soro est beaucoup plus contraignante pour Alassane Drame Ouattara que celle concernant Laurent Gbagbo, qui ne lui ouvre pas expressément la voie pour une candidature à l’élection présidentielle.
Guillaume Soro pourrait être candidat
L’ancien premier ministre et président de l’Assemblée nationale, âgé de 48 ans, maintient sa candidature à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. Vivant actuellement en exil à Paris, Guillaume Soro, l’ancien allié du président Ouattara est désormais son adversaire le plus déterminé pour lui succéder. Le sursis à exécution prononcé par la CADHP ne peut que renforcer sa détermination et surtout donner à ses nombreux partisans, un nouveau motif d’espoir.
La décision de la CADHP risque d’impacter la période pré électorale et évidemment la période post électorale, en cas de refus d’exécuter cette décision. Le dispositif est on ne peut plus explicite. La Cour d’Arusha ordonne à l’ État défendeur de surseoir à l’exécution tous les actes pris à l’encontre de Guillaume Soro, jusqu’à la décision de la Cour sur le fond de la cause. Plus directive, la Cour ordonne « de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de lever immédiatement tous les obstacles en vue d’empêcher Guillaume Soro de jouir de ses droits d’élire et d’être élu, notamment pour l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 ». Alassane Drame Ouattara n’a plus que quinze jours pour exécuter cette Ordonnance. Il serait étonnant qu’il le fasse.
Laurent Gbagbo, électeur mais pas éligible
L’Ordonnance du 25 septembre 2020 concernant Laurent Gbagbo (75 ans), n’ envisage pas le droit pour le requérant de pouvoir etre candidat à la prochaine élection présidentielle. Elle ne lui reconnaît que le droit de pouvoir être enregistré sur la liste électorale. Il est vrai que le Conseil constitutionnel ivoirien avait constaté que Laurent Gbagbo n’ avait pas signé une déclaration de candidature et qu’il n’avait pas formellement démissionné du conseil constitutionnel.