Qu’il s’agisse de l’installation d’une base militaire à Djibouti ou de la lutte contre le terrorisme, la Chine inscrit des objectifs militaires dans ses missions en Afrique
Le deuxième volet de l’enquête de Michael Pauron
Un livre blanc officiel du gouvernement chinois a été publié en 2015qui décrit ainsi la nouvelle stratégie de sa politique étrangère en Afrique : «[la Chine] soutiendra les efforts des pays africains (…) pour renforcer les capacités de sauvegarde de la paix et de la stabilité en Afrique. [La Chine] continuera d’aider les pays africains à renforcer leurs capacités de défense nationale et de maintien de la paix pour préserver leur propre sécurité et la paix régionale. »
De plus, la Chine a adopté une loi antiterroriste en décembre 2015, qui autorise le déploiement de troupes dans des missions de lutte contre le terrorisme à l’étranger.
Ainsi, selon Jordan Link, de la China Africa Research Initiative (Cari, université John Hopkins), entre 2003 et 2017, « les pays africains ont signé pour 3,56 milliards de dollars de prêts à des fins militaires et de sécurité intérieure et à double usage [équipements pouvant être utilisés dans le civil comme dans le militaire et dont on ne connaît pas l’affectation exacte, NDLR] ». D’après le chercheur américain, les prêts à des fins de défense et / ou de sécurité intérieure et à double usage ont représenté un peu plus de 2% de tous les prêts chinois à l’Afrique.
Djibouti, une première base militaire
En 2017, à Djibouti, lorsque Pékin a inauguré sa première base militaire à l’étranger, beaucoup, au premier rang desquels les américains, s’en sont inquiétés. Il faut dire que le camp chinois n’est qu’à quelques kilomètres du camp Lemonnier, créé après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, et où stationnent quelque 4 000 marines. Certains sont impliqués dans des missions très secrètes, notamment des assassinats ciblés de drones au Moyen-Orient et dans la Corne de l’Afrique, et des raids au Yémen. Washington a aussitôt craint une surveillance chinoise de ces activités.
La marine chinoise sera bientôt la première du monde, devant les États-Unis. De fait, « la base de Djibouti constitue un énorme développement stratégique », selon Peter Dutton, professeur d’études stratégiques au Naval War College de Rhode Island : « C’est l’expansion de la puissance navale pour protéger le commerce et les intérêts régionaux de la Chine dans la Corne de l’Afrique, c’est ce que font les pouvoirs expansionnistes. La Chine a tiré des leçons de la Grande-Bretagne il y a 200 ans », a-t-il expliqué au New York Times en 2017. La base de Djibouti faciliterait aussi le transfert d’armes chinoises, disent les experts.
Les nouvelles routes de la soie
Largement commentée, la base chinoise ne compte officiellement, elle, que 400 marins de l’Armée populaire de libération (APL). Le positionnement est cependant stratégique : non seulement elle est la première chinoise à l’étranger, mais, de plus, elle doit répondre au besoin impérieux de sécuriser les nouvelles routes de la soie, au cœur de la Belt and Road Initiative (BRI) qui mobilise des centaines de milliards de dollars.
Au large des côtes africaines et dans le détroit de Bab-el-Mandeb croisent 30000 navires par an, mais aussi sept câbles de télécommunication essentiels pour les liaisons entre l’Asie et l’Europe. Les militaires chinois participent donc aux opérations de lutte contre la piraterie, jusque dans le Golf de Guinée, à la demande des pays côtiers et où les attaques se sont multipliées ces dernières années.
Un engagement dans les opérations de paix
Aux opérations maritimes, s’ajoutent les opérations terrestres. La Chine est devenu le deuxième contributeur financier aux opérations de paix et fournit l’un des principaux contingents de casques bleus sur le continent, notamment au Mali, au Soudan et en Centrafrique. En 2016, une attaque contre une base des Nations unis au Mali a tué un sergent et blessé cinq autres militaires chinois.
Les expériences de terrain, en dehors de ses zones habituelles d’intervention, situées en Asie, ont aguerri l’armée chinoise.
Dans le troisième volet de notre enquête, nous décrirons l’investissement de la Chine dans les sociétés privées de sécurité pour défendre la sécurité de ses expatriés