L’acharnement judiciaire contre l’ancien patron de la compagnie camerounaise d’aviation, Yves Miches Fotso, en prison depuis cinq ans, témoigne d’une gouvernance calamiteuse qui inquiète les diplomates américains sur place.
Si l’alliance franco américaine est célébrée, ce mardi 24 novembre à Washington, face à la menace djihadiste en Syrie, les deux pays sont loin d’avoir la même approche diplomatique en Afrique. François Hollande, ultime avatar de la Françafrique, est un soutien inconditionnel des régimes en place, que ce soit au Mali, au Niger, au Congo, en Centrafrique. L’administration américaine, elle, est plus soucieuse de bonne gouvernance, de pluralisme démocratique et de transparence financière. Autant de valeurs démocratiques auxquelles Hollande l’opposant était fortement attaché mais que Hollande chef de guerre a largement enterrées.
Justice aux ordres
Encore récemment à Yaoundé, et alors que le sérail présidentiel camerounais voit s’aiguiser les ambitions à l’approche de la prochaine présidentielle, les diplomates américains s’inquiètent des dysfonctionnements de la justice camerounaise. Dans plusieurs dossiers où des sociétés canadiennes et américaines étaient citées, notamment le groupe Bombardier, la justice camerounaise a rendu des décisions iniques.
Dans le collimateur de ces juges partisans, se trouve l’ancien patron de la « Camair » (« Cameroun Airlines »). Yves Michel Fotso, en prison depuis cinq ans, a été condamné à une peine de vingt cinq ans par une justice aux ordres… Le premier tort d’Yves Michel Fotso est sa proximité avec Marafa Hamidou Yaya, l’ancien secrétaire général de la Présidence qui est l’homme fort des régions du Nord. Or on prête à ce baron du régimedes ambitions présidentielles qui sont fort mal vécues par certains dans l’entourage de Paul Biya.
La deuxième erreur de Yves Michel Fotso est de passer pour posséder une fortune confortable. De quoi susciter la jalousie de proches du régime moins bien pourvus et la convoitise des magistrats de Yaounde, qui cherchent à boucler la facture du fonctionnement du nouveau palais de justice qui abrite le Tribunal Criminel Spécial (TCS).
Des avions fantômes
Un premier dossier baptisé « BBJ-2 » a marqué le début de l’acharnement de la justice camerounaise contre Yves Michel Fotso. Il s’agissait de l’achat d’un avion pour le compte du président Paul Biya au début de l’année 2000. La note s’élevait à 29 millions de dollars. Pas de chance, le fournisseur américain s’est révélé totalement déficient.
Après quelques années et la décision d’un tribunal américain, l’Etat camerounais a pu récupérer 20 des 29 millions. Peu importe pour la justice camerounaise, qui s’obstine à réclamer à l’ancien patron de « Cameroun Airlines », intermédiaire de cette transaction, la somme de 29 millions. Ubuesque! D’autant plus que le Tribunal Criminel Spécial qui décide de le condamner supprime toute possibilité d’appel.
Les malheurs de monsieur Fotso ne se sont pas arrêtés à cette première affaire. La liquidation de la Camair en 2012 a laissé apparaitre un trou non expliqué de plus de 100 millions d’euros. Autant de créance commerciales déguisées en infractions. Ainsi l’achat d’un avion au groupe canadien Bombardier avait donné lieu à des avances. Comme le solde n’avait jamais été réglé, la commande était tombée à l’eau. Et les Canadiens n’étaient pas tenus de rembourser ces sommes.
Coupable désigné, Yves Michel Fotso est sommé de rembourser l’ensemble du déficit de la compagnie aérienne. Malgré le protocole portant sur une transaction de 2,3 millions d’euros qu’il avait signé avec l’aval d’un juge, les magistrats du Tribunal Criminel Spécial le somment de verser… 77 millions d’euros.
Avec de telles méthodes, Paul Biya et les siens n’incitent guère les investisseurs étrangers à croire au miracle économique au Cameroun.