Alors que le président Nkurunziza décède quelques jours après l’élection, sa responsabilité pour les abus passés doit être clairement établie
(Nairobi, 11 juin 2020) – Le président autoritaire du Burundi, Pierre Nkurunziza, dont la mort a été confirmée par une déclaration du gouvernement le 9 juin 2020, laisse derrière lui un héritage de répression politique et de violations généralisées des droits humains, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Quelques jours après que la Cour constitutionnelle a déclaré la victoire du candidat de son parti, Évariste Ndayishimiye, à l’élection présidentielle de mai 2020, la mort de Nkurunziza donne la possibilité aux dirigeants burundais d’assurer des garanties concrètes en matière de droits humains et de réformes démocratiques, et d’établir les responsabilités pour les violations commises par le passé.
Pendant les 15 ans du règne de Nkurunziza au Burundi, les services de sécurité, d’autres agents du gouvernement et les Imbonerakure, les membres de la ligue des jeunes son parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), se sont rendus responsables d’exécutions, de tortures, de disparitions forcées, de viols, d’extorsions d’argent, de violences et d’intimidation vis-à-vis de la population, visant souvent ceux qui étaient perçus comme des opposants au gouvernement. Les élections présidentielles, législatives et communales du 20 mai dernier se sont déroulées dans un contexte très répressif. Elles ont été entachées d’allégations d’irrégularités et d’abus, en l’absence d’observateurs internationaux indépendants.
« L’héritage de Pierre Nkurunziza sera celui d’une répression impitoyable », a déclaré Lewis Mudge, Directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Son gouvernement a décimé les médias indépendants et les organisations de défense des droits humains, a tout fait pour se soustraire à la vigilance de la communauté internationale et a essentiellement fermé le Burundi au monde extérieur. Les dirigeants du Burundi devraient s’engager à lancer des réformes en matière de droits humains en prenant des mesures urgentes pour mettre fin aux abus généralisés, et indiquer clairement que la transition résultera en une véritable ouverture de l’espace politique ».
Ancien chef rebelle pendant une guerre civile brutale qui a tué environ 300 000 Burundais, Nkurunziza a prêté serment en tant que président en 2005. Pendant son règne, les fragiles progrès du Burundi vers la démocratie et la stabilité ont subi de graves revers, alors que des troubles politiques et de nombreux meurtres commis par les forces de sécurité et les groupes armés d’opposition ont secoué le pays.
En avril 2015, des manifestations ont éclaté en réponse à l’annonce faite par Nkurunziza qu’il serait candidat à un troisième mandat. La police a alors fait un usage excessif de la force et tiré sans discernement sur les manifestants, tuant et blessant des dizaines de personnes. Suite à un coup d’État manqué mené par un groupe d’officiers de l’armée en mai, le gouvernement a intensifié sa répression contre les opposants présumés et suspendu les activités de la plupart des stations de radio indépendantes. Si les manifestations anti-Nkurunziza étaient au départ pacifiques, certains manifestants ont eu recours à la violence. Les violences des opposants au gouvernement se sont également intensifiées à la suite des élections de juillet 2015.
Depuis sa réélection cette année-là, les forces de sécurité de l’État burundais, les services de renseignement et les membres des Imbonerakure ont mené des attaques brutales et ciblées contre des opposants connus ou présumés. Des défenseurs des droits humains ont été attaqués, arrêtés et poursuivis en justice. Le gouvernement a imposé de sévères restrictions aux organisations non gouvernementales ou les a obligé à fermer, et la plupart des principaux activistes et journalistes indépendants ont fui le pays pour des raisons de sécurité.
Alors que le gouvernement tolérait jadis les critiques, même si ce n’était pas de gaieté de cœur, l’espace de liberté pour les organisations de défense des droits humains et les journalistes indépendants au cours du dernier mandat de Nkurunziza a disparu, a déclaré Human Rights Watch.