« Multiplication des exécutions sommaires » et « disparitions forcées ou involontaires « : les forces du G5 Sahel, supposées coopérer avec l’armée française, se livrent à des exactions de plus en plus nombreuses
Le premier trimestre 2020, y compris le premier tour de l’élection législative, le 29 mars, a été marqué par une dégradation des droits de l’Homme, estime la Division des droits de l’Homme de la MINUSMA. Les missions de cette force multinationale comportent « la surveillance du droit international humanitaire et des violations des droits de l’Homme, la publication de ses enquêtes et la prévention de ces actes. » Au total, 598 violations des droits de l’Homme et abus ont été documentés, soit une hausse de 61,21% par rapport au trimestre précédent.
Au Mali en un trimestre, 380 personnes, dont 16 enfants et 8 femmes, ont perdu la vie au cours de 190 incidents sécuritaires
Ce sont les régions du Centre et du Nord du Mali qui sont les plus touchées. . 82% des 380 morts ont été recensés à Mopti et Segou.Ces violations sont de trois natures : attaques des groupes armés signataires et non signataires des accords de paix, violences armées intra et intercommunautaires (notamment entre Peuls et Dogons), et multiplication des exécutions sommaires et disparitions forcées ou involontaires par les forces de défense et de sécurité.
Il est intéressant de noter que les violations des droits de l’Homme commises par les groupes d’autodéfense et les forces armées, nationales et internationales, sont de loin les plus nombreuses.
Les groupes terroristes tous confondus sont responsables de 103 abus sur 598, soit 17,22%, estime la Division. Il s’agit principalement de meurtres, tortures, ainsi que d’attaques contre des écoles et des infrastructures de l’Etat, des humanitaires et la Minusma elle-même. Ces groupes sont en train de s’étendre au Sud, notent avec préoccupation les auteurs du rapport.
Les groupes armés signataires et non signataires des accords de Paix, notamment la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA/D), ont été responsables de 69 abus, dont un meurtre, tandis que 36 autres cas d’abus sont imputables à « des groupes armés non identifiés », dont 7 meurtres.
« L’implication de plus en plus croissante des Forces de Défense et de Sécurité Maliennes dans des violations de droits de l’Homme »
Les violences intra et intercommunautaires flambent en ce premier trimestre, notamment entre Peuls et Dogons, faisant un bilan de 180 morts, dont 111 Dogons, en 35 attaques armées. Les milices et autres groupes d’autodéfense sont à l’origine de 218 cas de violations des droits de l’Homme soit 39% des abus constatés.
Enfin, la Division s’inquiète de « l’implication de plus en plus croissante des Forces de Défense et de Sécurité Maliennes dans des violations de droits de l’Homme », en particulier dans le Centre. Les exécutions extrajudiciaires sont en augmentation (101 victimes), dans le cercle de Niono et dans le cercle de Douentza.
« Dans le cadre de la sécurisation et des opérations de lutte contre le terrorisme, les éléments des FDSM dont certains opérant sous l’égide du G5 Sahel ont également été responsables de multiples violations des droits de l’homme dont 18 cas d’exécutions arbitraires », écrivent les auteurs.
« Les forces armées nigériennes, quant à elles, se sont rendus responsables de 34 exécutions extrajudiciaires respectivement à Inekar, Anderamboukane et dans une localité située entre Anderamboukane et Chinagodar. » La communauté Daussak malienne avait rapporté ces disparitions de Touaregs fin février et début mars.
Les violences ont provoqué le déplacement de près de 100 000 personnes dans la région de Mopti.
Enfin, les élections législatives ont donné lieu, elles-aussi, à 14«atteintes sérieuses au droit de l’Homme affectant le droit de vote », dans les régions de Gao, Kidal, Ménaka, Mopti et Tombouctou. Un meurtre, 21 enlèvements ou disparitions forcées, 3 cas de torture et de mauvais traitements et plusieurs cas d’intimidation et de menace de la population et de disparition du matériel électoral, sans oublier l’enlèvement du chef de l’opposition, Soumaïla Cissé, toujours retenu par la Katiba Macina.
La Division se félicite des enquêtes ouvertes au Mali et encourage les autorités « à poursuivre les auteurs devant les juridictions compétentes. »