Un étrange consortium d’observateurs électoraux, que le président Alpha Conde a fait venir sur place, a transmis le Covid-19 aux membres indépendants de la CENI en marge du scrutin contesté du 22 mars
Le double scrutin, législatif et référendaire, avait pour but de modifier la Constitution guinéenne pour permettre au Président Condé de forcer le passage d’un troisième mandat. En faisant appel à un obscur Consortium panafricain de « la synergie des observateurs électoraux de la société civile africaine » pour cautionner le double scrutin du 22 mars, boycotté par le reste du monde, le Président guinéen Alpha Condé a-t-il fait entrer le loup dans la bergerie ?
Or le 10 avril dernier, un mouvement de panique a touché la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) à l’annonce de la séropositivité au Covid-19 de 7 des 10 membres du Consortium. Lesquels sont venus de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre pour se substituer aux missions d’observation internationales absentes.
Des « observateurs » activistes
L’inquiétude est d’autant plus vive que ces étranges « observateurs », désormais hospitalisés, ont participé au dépouillement centralisé par la commission de totalisation des résultats à la CENI centrale. Ils figurent sur une photo prise à la Présidence de la République le jour du vote et pendant les préparatifs du scrutin, ils ont été très assidus à la table et au domicile du Président de la CENI, Amadou Salif Kébé.
L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, en charge de la gestion de l’épidémie, estime qu’il est déjà trop tard pour tenter un dépistage. Elle avait donc demandé donc aux personnels de la CENI de rester chez eux, en les neutralisant, et de l’informer de l’évolution de leur santé.
Mais le président de la CENI Amadou Salif Kébé est diabétique et il s’inquiète beaucoup, d’autant plus qu’il ressent de la fièvre. Il réussit à se faire tester mais son état se détériore très vite et il n’attend pas les résultats du test pour se rendre de lui-même à l’hôpital de Donka, le 14 avril. Il y décèdera trois jours plus tard.
Les ravages du coronavirus
Toute la CENI ou presque se presse à son domicile après sa mort, dans l’ignorance du risque de contagion, alors que plusieurs cas ont été enregistrés dans la famille d’Amadou Salif. A la Présidence, c’est une douzaine de personnes qui sont testées positives, contaminées par ce canal… ou un autre, tandis que le gouvernement annonce le décès de plusieurs hauts cadres de l’Etat.
Mais ce n’est pas la fin de l’histoire. Il y a quelques jours, le chef de mission du Consortium Panafricain de la Synergie des Observateurs électoraux de la société civile africaine et de la diaspora, Cosme Adandozan Romanus, écrit au ministre des Affaires Etrangères et des Guinéens de l’Extérieur pour lui demander un « appui financier et logistique ». Le remerciant d’avance de sa générosité, il réclame la juste rétribution des travaux du Consortium aux côtés du gouvernement pour « apurer ses frais de séjour » et rentrer à la maison.
En effet, les observateurs empoisonnés n’entendent pas repartir sans leur chèque.
Un vote en forme de plébiscite
Précédé par une vive contestation sur les conditions de révision des listes électorales, puis sur les modalités d’organisation ainsi que sur le projet politique du Président Condé, le scrutin du 22 mars a été émaillé de nombreuses violences, qui ont fait plusieurs dizaines de morts. En février, l’Organisation internationale de la Francophonie, l’Union africaine, et la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest se sont retirées successivement du processus. La mission de la dernière chance, qui devait tenter de convaincre Alpha Condé de renoncer à son projet, est finalement annulée in extremis le 17 mars, Mahamadou Issoufou, le président en exercice de la CEDEAO, Alassane Ouattara et Mohamed Buhari jetant l’éponge.
Sans surprise, la nouvelle Constitution est adoptée par plus de 89% des votants et le parti présidentiel, le Rassemblement du Peuple de Guinée Arc en Ciel, rafle 79 des 114 sièges de députés