La paralysie du conseil de sécurité de l’ONU

Les conséquences financières et politiques de la pandémie du Covid-19 aggravent la situation financière du conseil de sécurité de l’ONU

La situation du Système des Nations Unies devient particulièrement inquiétante. Déjà à l’automne 2019, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait alerté la communauté internationale sur la raréfaction des ressources financières, ce qui le contraignait à mettre en place un plan d’austérité.

Aujourd’hui, les conséquences financières, humaines, politiques et opérationnelles de la pandémie du Covid-19 aggravent cette situation et entravent désormais le fonctionnement régulier des institutions onusiennes.

Le siège de l’ONU en confinement

Le siège de l’ONU, à New York, est dans l’épicentre du Covid-19 aux Etats-Unis d’Amérique. Avec ses 11 000 morts, recensés à ce jour dans ses hôpitaux, New York est l’un des clusters les plus virulents de la planète. New York est devenu une ville-fantôme. Dans un tel contexte, l’administration onusienne s’est pliée à la distanciation sociale et aux barrières contre le virus. Les réunions se font par visioconférences, les plénières ont disparu, de même que les interprétations en arabe, chinois, espagnol, français et russe. Seul l’anglais est utilisé, toutefois, certaines traductions sont possibles, mais pour des documents essentiels.

Les personnels et les diplomates accrédités sont donc en confinement et ne communiquent plus que par les nouvelles technologies. Les arrangements de couloirs, si importants, ont vécu.  Actuellement, seule la voix du Secrétaire général, Antonio Guterres, est encore audible, mais sans l’autorité qu’aurait pu lui donner le Conseil de sécurité. Avec ses quinze membres, cette instance politique est compétente pour le maintien de la paix et la sécurité internationale. Le Conseil de sécurité a le pouvoir de décider des mesures contraignantes pour assurer un consensus dans la lutte contre le Covid-19, de recommander l’arrêt des conflits armés, voire de sanctionner les récalcitrants, et  de promouvoir la coopération internationale pour surmonter les effets dévastateurs de la crise sanitaire. Il est donc beaucoup attendu du Conseil de sécurité.

Le Conseil de sécurité est en stand by

La présidence tournante mensuelle du Conseil de sécurité est assurée, depuis le 1er avril, par la République dominicaine qui a succédé à la Chine. L’ambassadeur dominicain José Singer, qui assure physiquement la présidence, est confiné et donc bloqué dans son pays. Il lui est donc très difficile de gérer son staff, organiser un ordre du jour, présider les séances et de programmer un agenda pour les affaires qui sont actuellement du ressort du Conseil de sécurité et notamment le Covid-19. Après un mois de mars, paralysé par le conflit latent entre la Chine et les Etats-Unis d’Amérique, le mois d’avril ne permettra pas un réveil du Conseil de sécurité. En mai, avec la présidence de l’Estonie, il ne faut pas s’attendre à un retour à la normale. Peut-être que les présidences de la France, en juin, suivie de celle de l’Allemagne, en juillet, pourront remettre sur pied un Conseil de sécurité, aujourd’hui étrangement atone. Cette paralysie est aussi politique.

La zizanie entre les quinze membres

Le clivage entre les cinq membres permanents ( Chine, Etats-Unis d’Amérique, France, Royaume-Uni et Russie) et les dix membres non permanents ( Afrique du sud, Allemagne, Belgique, République dominicaine, Estonie, Indonésie, Niger, Saint-Vincent-et-les-Grenafines, Tunisie et Viet Nam) a rarement été aussi marqué. Si la majorité des neuf membres sur quinze est exigée pour agréer une décision, encore faut-il qu’aucun des cinq Etats membres permanents n’exerce son droit de véto. Dans le contexte actuel, trouver un consensus au sein des cinq membres permanents est bien plus difficile qu’en temps normal.

L’absence de cohésion du Conseil de sécurité apparaît au grand jour avec les deux projets de résolutions concernant le Covid-19. L’un est porté par la France mais uniquement au sein des cinq Etats membres permanents et le second a été initié  par la Tunisie et l’Allemagne, au sein du groupe des Etats non permanents. On remarquera d’une part, les « infidélités » du couple franco-allemand, avec le cavalier seul de la France suivi de l’Allemagne et d’autre part, l’absence d’unanimité au sein des deux groupes. On se trouve bien loin d’une volonté commune et d’une Résolution acquise par le Conseil de sécurité.

Deux projets sans avenir


Le projet de la France ne rencontrera probablement pas l’unanimité, au sein des cinq membres permanents. La Russie et surtout la Chine ne lui laisseront pas cet honneur. La Russie rétorque que la santé n’est pas du domaine du Conseil de sécurité, tandis que la Chine s’offusque de l’accusation américaine sigmatisant un »virus chinois ».De surcroît, le Royaume-Uni est actuellement suspendu à l’état de santé de Boris Johnson, son premier ministre. Ce projet préconise  » la cessation préalable des hostilités » et une réponse humanitaire coordonnée et d’envergure. Pour la France, un consensus entre les cinq membres du Conseil de sécurité doit d’abord être recherché avant de saisir le dix autres membres non permanents.On devine la réaction de ces dix membres qui y voient une discrimination inacceptable.

Le second projet porté par la Tunisie et l’Allemagne rencontre aussi des réticences au sein même du groupe, notamment de la part de l’Afrique du sud. Ce projet ne va pas à l’encontre du projet français mais vient surtout en concurrence. Il demande  » une action internationale urgente, coordonnée et unie pour lutter contre l’impact du Covid-19″ et appelle  » à un cessez-le-feu mondial immédiat pour permettre une réponse humanitaire adéquate ». Les mêmes termes reviennent dans les deux projets, mais dans un ordre différent.

Il serait temps que le Conseil de sécurité retrouve enfin la sérénité et mette fin à cette situation ubuesque. Il pourrait prendre l’exemple de l’Assemblée générale de l’ONU qui, le 2 avril 2020, a adopté une Résolution, par 188 voix sur 193, prônant la coopération internationale contre le Covid-19, rappelant l’importance du multilatéralisme et plaçant l’ONU au coeur du dispositif de lutte contre la pandémie. Encore faut-il compter sur Donald Trump qui vient de couper les vivres de l’Organisation mondiale de la santé et qui est de plus partisan de l’unilatéralisme.