14 candidats sont en lice pour les élections qui doivent se tenir le 29 novembre. Réfugié en Côte d’Ivoire depuis sa chute, le souvenir de l’ex-président Blaise Compaoré est omniprésent.
Pour la première fois depuis 27 ans, un scrutin présidentiel a lieu au Burkina Faso sans la participation de Blaise Compaoré et sans un candidat du Congrès du peuple pour le progrès (CDP), son parti.
Rhétorique anti-Blaise
Pourtant, depuis l’ouverture de la campagne dimanche 08 novembre le nom de l’ex-président chassé du pouvoir par l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 revient dans tous les rassemblements des candidats. Certains le convoquent pour saluer le courage « héroïque » du peuple burkinabé qui a conduit à sa chute. De nombreux meetings commencent ainsi avec une minute de silence à la mémoire des martyrs. D’autres reviennent sur les errements de sa gouvernance et promettent de remettre le pays sur le rail dès leur installation au Palais de Kosyam. La rhétorique anti-Blaise va bon train, et il est peu probable de trouver ici un volontaire pour prendre la défense de l’ancien régime. Il règne dans les rues de Ouagadougou une ambiance de carnaval électoral. Des affiches à l’effigie des candidats sont placardées à tous les coins de rue, sur les voitures alors que des jeunes sillonnent les artères à moto vêtus de tee-shirts aux couleurs de leurs formations politiques. Les professions de foi des 14 candidats sont distribués à tour de bras devant les échoppes, les bistrots, les kiosques et sur les différents marchés.
A chacun selon ses moyens
A observer de près, tous les candidats ne sont pas logés à la même enseigne. Dotés d’une puissance financière manifestement plus grande, le candidat du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) Roch Marc Christian Kaboré et son adversaire de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) Zéphirin Diabré occupent l’espace public plus que leurs douze autres concurrents à Ouagadougou et dans les grandes villes. L’écart se creuse davantage entre ces deux prétendants au fauteuil présidentiel et les autres à mesure qu’on quitte les grandes villes pour arriver en zones rurales. Reste à savoir si des candidats comme l’ancien ministre des Affaires étrangères Ablassé Ouédraogo, Jean-Baptiste Natama, ancien directeur de cabinet de la présidente de la Commission de l’Union africaine (UA) ou le sankariste Me Bénéwendé Sankara, présentés comme des outsiders sérieux, n’ont pas choisi de démarrer tranquillement la campagne pour ensuite monter en puissance progressivement pendant les trois prochaines semaines.
Il est tout à fait possible aussi que Saran Séré Sérémé du Parti pour le développement et le changement (PDC) et François Toé du Mouvement de libération nationale-Burkina Faso (MLN-BF), les deux femmes candidates, aient aussi adopté la stratégie de la course de fond.
Un scrutin historique
Comme dans chaque compétition électorale, on peut se hasarder à catégoriser les 14 candidats en favoris, en challengers sérieux ou en outsiders. Ici, le scrutin est pour la première fois depuis 27 ans très ouvert. Nul ne peut affirmer avec certitude qui sera le prochain successeur de Blaise Compaoré.
Des candidats indépendants Boukary Ouédraogo et Me Issaka Zampaligré à leur adversaire le plus jeune Adama Kanazoé de l’Alliance des jeunes pour l’indépendance et la république (AJIR) en passant Victorien Tougma du Mouvement africain des peuples, Tahirou Barry du Parti pour la renaissance nationale (PAREN) et Ram Ouédraogo, tous partent avec le même capital de chances.
Le président par intérim Michel Kafando n’est pas candidat. Tout comme son Premier ministre Yacouba Isaac Zida. Les deux dirigeants de la transition ont réaffirmé leur neutralité, laissant donc aux quelque 5,5 millions d’électeurs le soin de trancher. La présidentielle burkinabé de cette année est également historique parce qu’elle va consacrer la toute première alternance pacifique de l’histoire politique récente du Burkina Faso.
Après avoir chassé Compaoré puis fait échec à la tentative de coup d’Etat du général Gilbert Diendéré, le peuple Burkinabé va donc ouvrir le 29 novembre au soir une nouvelle ère qui consacre les jeunes comme acteurs et sentinelle de la démocratie. Avec son insurrection populaire et sa présidentielle que tout promet à la réussite, le Burkina Faso est en passe de s’imposer comme référence dans le combat pour les libertés et la démocratie en Afrique. Déjà, le modèle burkinabé est lu et relu par les oppositions et les sociétés civiles africaines, même si il agace ici et là quelques potentats locaux tentés par la volonté de se cramponner aux affaires.