L’expert des questions islamiques qui signe ce texte voit dans les pratiques du recteur de la Mosquée de Lyon le modèle de ces notables pieux qui sont devenus des champions du « fund raising »
Appelé à commenter sur une chaîne d’information continue la tragédie de la préfecture de police de Paris, un des « experts » des questions islamiques auto proclamé, Abdallah Zékri, a proféré de graves accusations à l’encontre de la Ligue Islamique Mondiale. Candidat malheureux au poste de « délégué général » que le CFCM, instance représentative de l’Islam, ce propagandiste a relancé les accusations contre Ghaleb Bencheikh, le président de la Fondation de l’Islam de France qui a co-organisé un colloque, le 17 septembre à Paris, avec la Ligue, une instance qui se veut de plus en plus indépendante du pouvoir séoudien
Le beurre et l’argent du beurre
Mais notre ami Zékri, soudain moins strict sur les principes, a été peu disert sur la coquette subvention accordée à son ami, le recteur de la mosquée de Lyon, justement par le secrétaire général la Ligue Islamique Mondiale. Or au cours de la cérémonie d’inauguration des murs de « l’Institut Français de la Civilisation Musulmane », en présence du ministre Castaner, ce dernier a demandé publiquement à l’administration laïque de lui détacher un « directeur des études » et un « islamologue ». La presse locale a reproduit le passage de l’allocution du recteur concernant cette singulière demande.
Au fond, le recteur de Lyon voit sa stratégie d’appel aux fonds de tous horizons couronnée de succès. L’appel à l’Etat français laîque, il fallait oser ! Notre notable pieux avait déja obtenu, lors du Ramadan, le détachement d’imams égyptiens formés sous la férule du maréchal Sissi à la dénonciation de ces « Frères Musulmans » que la France avait salués lors du printemps arabe de 2011. Conformément à ses calculs trop souvent intéressés, il a fait venir également des prédicateurs chiites iraniens. On le disait même prêt à faciliter les opérations décidées les Emirats pour contrôler les mosquées d’Europe avant de faire appel finalement à la générosité de la Ligue Islamique.
Il ne serait pas étonnant de voir le recteur continuer à jouer sur la concurrence entre ces différents pays pour obtenir le détachement d’enseignants, à qui il envisagerait un apprentissage du français. Car après vingt cinq ans à la tête de la mosquée et d’avantage dans des associations sportives et des organisations de rapatriés, l’habile homme ne s’est guère avisé d’établir des relations de confiance avec des spécialistes qui lui reconnaissent une grande virtuosité dans le « fund raising:
perception de la taxe halal, tournées pour collecter des fonds dans les pétromonarchies, obtention des audiences avec les officiels algériens originaires des Aurès et souvent proches de l’ex DRS, et plus généralement, entrisme dans toute structure se réclamant de l’Islam.
« L’entrepreneur oriental«
Si bien que la singulière demande du Recteur de la mosquée de Lyon adressée à l’administration laïque sonne d’abord étrangement. D »autant pus que ses relations avec les intellectuels n’auront été qu’épisodiques, à moins qu’il ne recherche une médiatisation autour de thèmes porteurs comme « laïcité et religions » et« l’Islam de France ». Mais ceux, parmi ses invités, qui sont férus de sociologie, voient en lui la parfaite incarnation de « l’entrepreneur oriental » , cher à Max Weber, qui s’occupant de tout, fait du surplace.
La mosquée de Lyon est associée à des enseignements comme les « DU » (diplôme universitaire mis en place après les attentats de Paris), où une laïcité rigoureuse est enseignée aux futurs imams et autres cadres religieux. Mais le « recteur » est le premier à oublier des pans entiers de ces enseignements à l’aune desquels on juge et on jauge les imams sous surveillance. L’Institut annoncé depuis des années est considéré comme un établissement à « caractère propre », donc indépendant de l’administration. Mais le « recteur » décide d’ignorer ce « caractère propre » et appelle l’Etat à son secours pour suppléer aux insuffisances des « grands caïds » de l’Islam en France en matière éducative
La laicité malmenée
On imagine mal un évêque demandant à l’Etat laïque de lui fournir un directeur de séminaire, ou des enseignants pour quelque Institut catholique. 114 ans après la promulgation de la loi de 1905. La demande du recteur de Lyon renvoie à la période où le clergé officiel musulman dépendait de la direction des « affaires » indigènes,et où un
capitaine arabisant était chargé de contrôler les programmes des Médersas d’Etat. Ces bégaiements de l’histoire coloniale n’arrivent qu’aux musulmans de France au nom desquels parlent des « représentants » conscients de leur déficit de légitimité et décidés à optimiser leurs privilèges en espérant le concours de ceux pour qui, comme l’Orient de Kipling, l’islam est une carrière.
Il est possible que l’administration réponde favorablement à la singulière demande du recteur de Lyon, ne serait-ce que pour contribuer à l’animation d’un beau et coûteux bâtiment « L’islamologue » qu’il réclame ne pourrait venir que de « l’islamologie administrative », pratiquée certes avec bienveillance par des spécialistes du tout-sécuritaire auquel se réduit la « politique musulmane ».
L’islamologie qui se contente de classer les musulmans selon leur degré de dangerosité, réelle ou fantasmée, suffit-elle à relever les défis éducatifs incontournables depuis les hécatombes au
cœur de Paris de 2015? On peut en douter !