Alors que la Cour de Cassation s’est réunie à Tunis ce mardi 1er octobre pour décider de la libération éventuelle de Nabil Karoui, Wicem Souissi, journaliste et collaborateur de Mondafrique, plaide pour que ce candidat au deuxième tour des Présidentielles, le 13 octobre, ait les moyens de faire sa campagne.
Le justiciable français bénéficie depuis bien des années déjà de ce qu’on appelle la jurisprudence Papon : la liberté est la règle, la prison l’exception. C’est aussi ainsi en Tunisie, mais le mandat de dépôt prononcé et contre la candidat à la présidence de la république depuis plusieurs semaines vient inverser ce principe du droit et refléter, par ce seul et unique exemple, l’état de la justice tunisienne, déjà sérieusement détériorée?
Souvenons nous de l’extradition par les pouvoirs tunisiens, dans des conditions rocambolesques, d’un réfugié et ancien premier ministre libyen, Mahmoudi Baghdadi, remis aux autorités libyennes issues de son renversement.
Citoyen tunisien, Nabil Karoui est incarcéré au lendemain du dépôt de sa candidature par une décision où la controverse le dispute à la polémique, mais où, surtout, le droit subit un coup de canif, ou encore un coup de khanjar, relevant d’un despotisme oriental. Pour le chef du Parquet, le président du gouvernement, Youssef Chahed, également candidat à l’élection présidentielle et finalement retoqué par les votes, c’est à la Justice de faire son travail. Une Justice qui de toute évidence n’est en l’occurrence point aveugle, ses magistrats distinguent même les couleurs des candidats.
Le procureur n’aurait-il pas pu désobéir ? Autres cieux : Louis XIV enjoignait à ses nobles faisant office de parlement de « désobéir sous peine de désobéissance » en cas d’ordre royal injuste. Dit autrement, obéir à un ordre injuste revient à s’exposer à une peine promise à celui ou celle qui désobéirait à un ordre royal : la mort, ou le bannissement en cas de circonstances atténuantes. Cette tradition monarchique est répandue en Europe et essaime sous les républiques successives. Il n’y en a point d’équivalentes, là où il est plutôt de coutume d’exercer l’arbitraire pur du pouvoir, assurément serti de légitimité, même bancale, ou de légalité, fût-elle douteuse.
Parallèlement à l’ancrage démocratique qui se fait petit à petit jour, l’indépendance de la Justice et la justesse de leur décision au regard de la Loi, non pas seulement celle des codes, mais celle qui tient la vie en société, ont du mal à se frayer un chemin vers la lumière.
C’est pour accélérer ce mouvement, aussi lent que la tortue, mais sûr dans le tumulte politique, que l’élargissement de Nabil Karoui participe de l’établissement d’une démocratie, inséparable, selon le triptyque de Pierre Hassner, du respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit.