La région de Benghazi qui a vu naître la contestation à Kadhafi est désormais sous l’emprise de ces intégristes violents qui pratiquent « l’épuration » de tout ce qui est perçu par eux comme non conforme à la loi islamique et susceptible d’être une entrave à la mise en place d’un califat. Nos confrères de « Magharebia » ont réalisé un reportage éclairant sur l’assassinat du poète Atef Al-Arafi.
Dès les premiers jours de la révolution libyenne, le poète Atef Al-Arafi avait donné des lectures, véritables source d’inspiration, à Benghazi. Lundi 24 mars, il a trouvé la mort sous les balles. »Atef s’est rendu à sa voiture après avoir joué un match de football », déclare Mohamed Moussa, témoin de la scène et étudiant de 18 ans. « Les magasins étaient ouverts et la rue était pleine de gens. Des voitures se sont arrêtées et douze hommes masqués en sont sortis avec des Kalachnikovs. »
Le jeune témoin continue sa description des faits : « Deux des hommes se sont avancé et ont appelé Atef », dit-il. « Lorsqu’il s’est retourné, ils l’ont criblé de balles. Atef s’est effondré au sol en récitant la Chahada. Ensuite, le groupe est reparti à bord des véhicules. » »Bizarrement, les gens regardaient et personne ne pouvait faire quoi que ce soit », explique Moussa à Magharebia. « Nous étions choqués et nous sommes rentrés chez nous avec un sentiment de déception envers notre révolution. » « Le pays est devenu vraiment effrayant », ajoute l’étudiant. « Tous ceux qui ont de l’argent sont partis, mais que pouvons-nous faire en tant que simples citoyens ? Est-ce qu’on doit attendre que ce soit à notre tour d’être liquidés ? »
Et l’histoire tragique dans l’Est de la Libye ne s’arrête pas avec ce meurtre, raconte le voisin du poète à Magharebia. « La femme d’Atef était sur le point d’accoucher, et lorsqu’elle a appris la nouvelle de sa mort, elle a été emmenée à l’hôpital », détaille Maraey Fadhl. « Cette petite fille et sa sœur vont désormais devoir vivre sans leur père. De quoi sont-elles coupables ? Et de quoi leur père était-il était coupable ? »
La mémoire de la révolution.
L’acteur Fodil Bouajila déclare : « Mon frère et ami Atef était un héros et un combattant de la place de la Liberté à Benghazi, avec son style distingué, satirique et populaire ». Al-Arafi était un « véritable adversaire des médias de l’ancien régime, et était devenu un symbole aimé sur toutes les places de Libye, qui étaient heureuses et fières de l’avoir », ajoute l’habitant d’al-Marj.
Le journaliste Fouad Saleh, de Tobrouk, indique : « Je ne sais pas par où commencer. Est-ce que je dois d’abord prier pour que miséricorde soit accordée à tous les Libyens, jeunes, vieux ou enfants, qui ont perdu la vie ? Ou est-ce que je dois commencer par maudire les gangs de la mort et le Congrès Général National (CGN) ? Ou est-ce que je dois aller droit au but et maudire tous ceux qui taisent la vérité ? »
Un climat de peur
L’assassinat du poète s’est produit dans le contexte d’une série d’attaques dirigées contre des activistes des médias, des artistes, des hommes politiques et des officiers de l’armée. Mohamed al-Hejazi, photographe pour la chaîne de télévision Libya First TV basée à Benghazi, a été blessé dans une tentative d’assassinat ce week-end. Dans une autre attaque publique mardi, des hommes armés, répartis dans trois voitures, ont pris en embuscade Mohamed Al-Tweir Al-Majbri, ancien gérant de l’hôtel Tibesti, alors qu’il se trouvait devant son domicile situé dans le quartier Fuwaihat de la ville. Puis « ils ont tiré sur lui à plusieurs reprises, criant ‘Allahu Akbar’, avant de démarrer à toute vitesse », a fait savoir le Libya Herald.
Par ailleurs, le lieutenant Tariq Kharaz a reçu des menaces de mort après son apparition à la télévision libyenne où il a donné des détails sur l’identité des responsables de la vague de meurtres. Il a été contraint de quitter Benghazi, laissant sa femme, ses enfants et sa famille. Sa femme a lancé un appel aux Libyens et au monde, demandant la protection de son mari. « Il n’a rien fait d’autre que dire la vérité », a-t-elle déclaré.
« J’appelle aussi les Libyens à protéger Benghazi, » a-t-elle ajouté.