Les tensions sur la frontière terrestre entre la Guinée Équatoriale et le Cameroun constituent un bon thermomètre des relations entre les deux pays membres de la CEMAC. Et ces relations ne sont pas au beau fixe
Périodiquement, au gré des poussées sécuritaires du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, la frontière avec le Cameroun est fermée et des arrestations préventives ont généralement lieu. Et cela dans la plus grande discrétion.
L’alerte du 24 décembre 2017
Le clan du président équato-guinéen ne manque aucune occasion pour rappeler que le président Obiang Nguema Mbasogo avait échappé à une tentative de « coup d’Etat », le 24 décembre 2017, alors qu’il se trouvait dans son palais présidentiel de Mongomo, situé à moins de 100 km de la frontière camerounaise.
Trois jours plus tard, une trentaine d’apprentis putschistes, essentiellement d’origine tchadienne, soudanaise et centrafricaine, avaient été interceptés, par les forces de sécurité camerounaises, près de la ville des trois frontières ( Cameroun, Guinée équatoriale, Gabon) de Kye-Ossi. Il va de soi que la protection de cette frontière terrestre avec le Cameroun (189 km) est devenu une préoccupation majeure pour le plus ancien chef d’État en activité (40 ans depuis le 3 août 2019).
Le mur de la honte
Début août 2019, les autorités camerounaises ont été alertées par l’intrusion de militaires équato-guinéens sur leur territoire près de la ville de Kye Ossi, qui fait face à la ville équato-guinéenne de Ebebiyin. Sur plusieurs centaines de mètres au-delà de la rivière, qui matérialise la frontiere, les Camerounais ont constaté un défrichage et la pose de jalons. Il se confirme donc l’intention du président Obiang d’élever un mur au-delà de la frontière naturelle avec le Cameroun.
La réaction des autorités de Yaoundé ne s’est pas faite attendre. Dès le 6 août 2019, le chef d’état-major des Armées, le Général René -Claude Meka, s’est rendu sur les lieux. Il a constaté cette menace d’empiètement du territoire camerounais et menacé de représailles devant cette action illicite du pays voisin. En prenant probablement exemples sur les murs de protection érigés par Israël et le projet de Trump à la frontière avec le Mexique, le président Obiang Nguema Mbasogo veut probablement bunkeriser son pays.
L’ afflux de migrants ouest-africains
De tous temps la Guinée Équatoriale a été un attrait pour les étrangers. Déjà avant la découverte des gisements gaziers et pétroliers, les anciennes possessions espagnoles du Rio Muni et de l’île de Fernando Pô attiraient des ressortissants du Nigeria, de Sao Thome et du Cameroun pour travailler notamment dans les champs de canne à sucre. Depuis que le pays est devenu un « émirat pétrolier », un appel d’air a drainé de très nombreux étrangers, venant essentiellement de la zone CEMAC. Cet afflux a conduit les autorités de Malabo à s’opposer (avec le Gabon) à la libre circulation des personnes dans cet espace CEMAC ( Cameroun, Centrafrique, Congo,Gabon, Guinée Équatoriale, Tchad).
Avec la rapide croissance, tous azimuts, des flux migratoires venant des pays africains en crise, la Guinée Équatoriale est devenu une nouvelle destination pour les candidats à la « Terre promise » qu’elle soit européenne, brésilienne ou au sud de l’Afrique. De très nombreux migrants des pays de l’Afrique de l’Ouest, d’Afrique centrale, des Soudan ont pris les chemins de la Guinée Équatoriale au grand dam des autorités de Malabo. Ces migrants sont en transit pour une période plus ou moins longue. Pour leur survie, ils vivent d’expédients et menacent l »ordre public. Ces « sans-papiers » ne sont plus assimilables et représentent un danger autrement plus important pour ce pays faiblement peuplé (1,5 million habitants) et le seul en Afrique majoritairement catholique. Des groupes terroristes pourraient également y trouver un « pied-à-terre ».
La frontière camerounaise constitue le principal point de passage de ces migrants. Depuis quelques semaines, les visites ministérielles équato-guinéennes se multiplient dans cette partie continentale du pays. Une importante délégation des responsables de la sécurité et de la défense, menée par le vice-ministre des affaires étrangères, Nze Okue Mifumu, a sillonné cette région, les 29 et 30 juillet 2019, pour s’enquérir du problème, recenser les migrants clandestins et menacer d’expulsion ces « sans papiers » non déclarés au service d’immigration.
La CEMAC affaiblie
Le 2 août 2019, le président Obiang a réuni tous les responsables politiques et administratifs et les commissaires de police de cette partie continentale pour faire le point sur la situation.
Malabo reproche aux autorités camerounaises leur laxisme dans le développement de ces flux migratoires non maîtrisés, qui constituent désormais une réelle menace pour le pays. Devant l’immobilisme camerounais, une solution à la Trump pourrait bien être l’option choisie.
Un nouveau problème pour l’intégration au sein de la CEMAC dont le siège est à Malabo.