Pour Human Rights Watch, les bailleurs de fonds et le gouvernement devraient renforcer leur soutien à la Cour pénale spéciale
(Nairobi, le 24 juillet 2019) – La Cour pénale spéciale de la République centrafricaine devrait intensifier ses enquêtes judiciaires et recruter sans attendre du personnel supplémentaire afin de rendre la justice dans les affaires de crimes de guerre et les autres infractions graves qu’elle doit juger, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ce nouveau tribunal, qui fonctionne dans un contexte extrêmement difficile, après des années de conflit brutal et d’insécurité dans le pays, a besoin de davantage d’appui de la part du gouvernement et de la communauté internationale.
La Cour pénale spéciale (CPS) est un tribunal nouvellement créé au sein du système judiciaire centrafricain, doté de la compétence de juger les crimes graves commis lors des conflits armés que le pays a connus depuis 2005.
« Les Centrafricains attendent depuis si longtemps de voir justice rendue pour les nombreux meurtres, viols et atrocités qui ont été commis en République centrafricaine », a déclaré Elise Keppler, directrice adjointe du programme Justice internationale de Human Rights Watch. « Même si la Cour pénale spéciale tient ses promesses, son démarrage a été laborieux. Il faut qu’elle intensifie ses enquêtes pour que les procès puissent s’ouvrir sur la base de preuves solides et irréfutables. »
La Cour pénale spéciale, où travaillent des juges et des procureurs à la fois internationaux et nationaux, bénéficie de l’aide internationale. La loi portant création de la Cour a été adoptée en 2015, mais pour démarrer ses enquêtes, elle a dû attendre que le parlement adopte, en mai 2018, les règlementations régissant sa procédure judiciaire et son système de preuve. La Cour a tenu sa première session officielle en octobre et des enquêtes judiciaires sont actuellement en attente auprès du parquet et des juges d’instruction de la Cour.
Suite à son rapport sur la Cour pénale spéciale publié en mai 2018, Human Rights Watch a mené des recherches du 10 au 14 avril 2019 dans la capitale du pays, Bangui, sur les progrès de la Cour et les difficultés qu’elle traverse.
Les chercheurs se sont entretenus avec 25 personnes, dont des employés et des consultants de la Cour, des responsables des Nations Unies (ONU), des défenseurs des droits humains, des avocats et des bailleurs de fonds. Ils ont aussi effectué deux entretiens collectifs, l’un avec des défenseurs des droits humains et l’autre avec des victimes qui travaillent au sein d’associations de victimes des crimes. Human Rights Watch a essayé de rencontrer les responsables du gouvernement qui travaillent sur la Cour pénale spéciale, mais ils n’étaient pas disponibles. Enfin Human Rights Watch a effectué des entretiens à New York, par téléphone et en personne, en mai, juin et juillet, et consulté des documents en lien avec les activités de la Cour.
« La justice [doit être] au premier rang dans un État qui prône la bonne gouvernance et la démocratie », a déclaré un défenseur des droits humains à Human Rights Watch en avril. « Sans justice, tout le reste est appelé à faire naufrage. »
Aussi bien les défenseurs des droits humains que les victimes se sont dits très inquiets du fait que les dispositions de l’accord de paix signé en février, vagues sur le sujet de la justice, pourraient limiter la coopération et l’appui du gouvernement vis-à-vis de la Cour pénale spéciale. Ils ont critiqué le fait que des personnes impliquées dans des crimes aient été intégrées au gouvernement suite au récent accord de paix. « Nous voyons en ce moment que nos bourreaux règnent sur nous », a estimé une femme dirigeant un groupe de victimes. « Ils sont entrés au gouvernement. »