La Turquie, possible base arrière pour les islamistes tunisiens

Rached Ghannnouchi, chef du mouvement islamiste tunisien Ennahda, multiplie ces derniers temps les visites dans les pays «frères» comme la Turquie. C’est que les dirigeants islamistes se sentent réellement menacés. Il leur faut trouver un pays refuge au cas où un scénario à l’égyptienne se produirait en Tunisie

GhannouchiSelon l’entourage d’Ahmed Davutoglu, ministre des Affaires étrangères turc, la visite à Ankara, le 22 avril dernier, de Rached Ghannouchi, accompagné de plusieurs figures de proue de son mouvement, n’a rien à avoir avec les déclarations du leader d’Ennahdha aux médias. En réalité, cheikh Rached, n’est pas venu rencontrer le premier ministre, Recep Tayyi Erdogan, pour jouer la médiation entre le PJD (Parti de justice et de développement), dirigé par ce dernier et les deux partis de la grande famille islamique, Al- Adala et Assâda, dirigé par Necemttin Erbakan. Il n’est pas venu d’avantage discuter la crise économique tunisienne, et moins encore des délais des élections.

Le patron d’Ennahda aurait demandé d’abriter en Turquie une vingtaine de dirigeants et cadres et assurer leur sécurité. Apparemment, ces derniers seraient dans la ligne de mire. Certains d’entre eux sont soupçonnés d’avoir participé aux côtés des Salafistes à l’assassinat des deux leaders de la gauche tunisienne en 2013. En outre, ils sont soupçonnés d’avoir aidé les Salafistes à commettre les actes de violences dans les universités et à apporter le soutien logistique à ces extrémistes aux frontières avec l’Algérie, très inquiète que la Tunisie voisine puisse devenir la base arrière de groupuscules violents.

Menaces physiques

Selon les mêmes sources turques, Ghannouchi aurait réussi à convaincre Erdogan des menaces physiques qui pèsent sur les membres importants de son mouvement. Mais cela n’a pas été suffisant. Car, le courant représenté par le président de la République, Adallah Güll, ainsi que les hommes forts du ministère de l’Intérieur et de l’armée (tous deux considérés comme étant les ennemis farouches d’Erdogan) se sont opposés aux souhaits de Ghannouchi. Ces opposants ont pris pour alibi la situation interne mouvementée à laquelle la Turquie était déjà confrontée. Abriter les islamistes tunisiens dont 4000 ont combattus ou combattent en Syrie au sein d’Al-Qaeda, Jabhat al- Nousra et l’organisation Daech, pourraient raviver les tensions au sein de la communauté alaouite turque (dont est issu le président syrien, Bachar Assad). Laquelle représente plus de 12 millions de la population turque et n’a pas bougé jusque-là.

Ghannouchi bredouille. 

Malgré cette situation difficile, à laquelle est venue s’ajouter une violente campagne de dénigrement dirigée par les salafistes, Cheikh Rached ne baisse pas les bras. Il s’est orienté vers les Américains pour l’aider auprès de ses frères turcs voire même qataris, et des voisins algériens, en leur promettant de les aider dans leur lutte contre le terrorisme aux frontières avec la Tunisie. Ce qui rend compréhensible, la visite à Ghannouchi, vendredi dernier d’Anne Patterson, assistante du secrétaire d’Etat américain pour le Proche-Orient.

Les turcs demeurent réticents. Et les Algériens ont fait savoir qu’ils ne se mêlent pas dans les affaires internes des voisins.

PAR SAMIR SOHB