Malgré les libérations récentes de militants du parti Lumana, la tension entre les deux poids lourds de la vie politique nigérienne reste extrême. En effet, le président de l’Assemblée nationae, Hama Amadou, soupçonne le président Mahamadou Issoufou de vouloir l’assassiner. Et réciproquement!!! Un marabout n’a-t-il pas vu dans ses rêves le chef de l’Etat et grand pote de Hollande baignant dans une mare de sang ?
Le 28 mai dernier, le président de l’Assemblée nationale du Niger a affirmé que sa femme avait surpris un homme en train d’essayer de l’empoisonner. Diable! « Cet assassinat est envisagé pas en terme d’hypothèse, mais en terme effectif parce qu’il y a tout un processus qui est en cours pour approcher mon personnel de maison, mes cuisiniers, mes boys, tous ceux qui sont plus ou moins proches de moi et qui d’une manière ou d’une autre peuvent me servir à boire, à manger ou peuvent être à côté de moi d’une manière générale pour essayer de m’empoisonner »,a déclaré Hama Amadou à l’hebdomadaire Le Courrier.. Et de décrire le mode opératoire de ces supposées tentatives d’assassinat: « la technique est simple, on envoie des gens qui se disent policiers, en tout cas armés, pour contacter mes gens et leur dire qu’ils leur proposent 40 millions de francs pour essayer de nous empoisonner. On leur refile un produit jaunâtre avec une seringue, et on leur dit ‘essayez dans leurs aliments de leur introduire cela, nous allons vous protéger, nous sommes très puissants, et vous pouvez même s’il le faut parler à notre commanditaire, le grand patron’».
« Nous sommes au courant de tout, et nous avons des enregistrements de ces propos et nous avons reçu la seringue et le produit », a-t-il ajouté sans toutefois fournir la moindre preuve de ces très graves accusations.
Garde rapprochée et coup d’Etat
Après un mystérieux coup de feu tiré contre son domicile en février, puis le remplacement de l’intégralité de sa garde rapprochée, début mai, à l’initiative du ministre de l’Intérieur, Hama Amadou a confié sa sécurité à des militants de son parti Lumana Africa.
De son côté, le président de la 7e République nigérienne,Mahamadou Issoufou, est habité, lui aussi, par la crainte d’être tué, cette fois lors d’un un coup d’Etat. D’où une fuite en avant sécuritaire, qui se matérialise par la bunkérisation de la capitale, le rapprochement appuyé avec les services occidentaux supposés assurer sa sécurité et une forme de paranoïa politique tendant à tout interpréter à la lumière de ce supposé complot.
Dès les premières semaines du régime, en 2011, les autorités avaient affirmé avoir déjoué une tentative de coup d’Etat, dont aucune preuve n’a jamais été rapportée par la suite.
Issoufou dans une mare de sang
Les charlatans et marabouts contribuent, évidemment, à ces pensées funestes. Ceux du village de Massalata, près de Konni, sont connus pour leurs prédictions annuelles de l’avenir du pays. Cette année, les devins ont rapporté la vision du Président baignant dans une mare de sang. Des émissaires de ce dernier auraient été mandatés pour en savoir plus… On ignore ce qu’il en est résulté.
Dans la folle escalade politique qui a atteint son paroxysme ces dernières semaines, avec l’arrestation des plus proches collaborateurs du Président de l’Assemblée nationale, placés en garde à vue terroriste et inculpés de complot contre l’autorité de l’Etat, le terme de terroriste désigne désormais, dans le langage du régime, les militants lumanistes.
Les coups de feu tirés le 20 mai dernier contre le domicile de Mohamed Ben Omar, qui postulait à la succession de Hama Amadou au perchoir, et l’incendie criminel du siège du parti au pouvoir, deux jours plus tard, qui a fait trois blessés dont un grave, témoignent de ce nouveau climat de violence politique.
La situation politique semble par ailleurs complètement bloquée jusqu’aux élections de 2015-2016. Le pouvoir n’a pas réussi à évincer son opposant de la Présidence de l’Assemblée nationale, faute de trouver la majorité des deux-tiers à l’Assemblée, et ce dernier n’est pas davantage en mesure de trouver une majorité permettant de renverser le parti au pouvoir.
Il faut dire que le Niger a une longue histoire de coups d’Etat. Le dernier a renversé en 2009 le président Tandja Mamadou pour remettre le pouvoir, à l’issue d’une Transition d’un an, à l’opposant socialiste de toujours Mahamadou Issoufou. A l’occasion du précédent, en avril 1999, le président Ibrahim Baré Mainassara avait été assassiné par sa garde présidentielle.