De passage au Niger où il a rencontré son homologue socialiste Mahamadou Issoufou le 18 juillet, François Hollande s’est concentré sur les questions de sécurité en vue du lancement de l’opération Barkhane contre le terrorisme au Sahel. Allié stratégique de la France dans la région, le régime nigérien est pourtant en proie à d’importantes dérives autoritaires et multiplie les arrestations arbitraires depuis plusieurs mois. En marge de la visite du président français, des manifestants dénonçant un retour à la colonisation et le pillage systématique des ressources naturelles ont notamment été arrêtés
François Hollande n’a pas pu échapper complètement aux turbulences de la politique nigérienne, vendredi 18 juillet, à l’occasion de sa première visite chez son camarade socialiste et allié stratégique du Sahel. Mahamadou Issoufou avait mis le paquet pour revendiquer une sorte de fusion politique avec François Hollande, à travers d’omniprésentes affiches à l’effigie des deux hommes clamant « deux Présidents, une vision ».
Tentation autoritaire
Ne souhaitant pas s’opposer à Hollande en même temps qu’à Issoufou, l’opposition, sous la bannière de l’Alliance pour la Réconciliation, la Démocratie et la République (ARDR), et sous la plume de son leader, Seini Oumarou, s’est réjouie de la visite du Président français. Dans une lettre datée du 15 juillet, Seini Oumarou a fait allusion aux « excellentes relations d’amitié et de coopération qui existent entre la France et le Niger » et sollicité une audience à l’occasion de cette visite.
Malheureusement, la lettre transmise par l’ambassadeur de France n’a pas connu de suite favorable. L’agenda du Président français était bourré à craquer, de son arrivée, en fin de matinée, à son départ dans la soirée, la sécurité imposant de lourdes contraintes de cortège.
Toutefois, si l’occasion d’une rencontre « fortuite », à l’aéroport ou à la rupture du jeûne, ne s’est pas plus présentée qu’une audience formelle, François Hollande a profité de la conférence de presse conjointe des deux Présidents pour rappeler l’attachement de la France aux valeurs démocratiques: «Ces principes doivent être mise en oeuvre. La sécurité ne doit pas être un prétexte » pour y déroger, a-t-il dit. Une petite phrase que les journalistes nigériens présents dans la salle ont interprétée comme un rappel à l’ordre, certes ultra moucheté, lancé au Président nigérien après des mois de tentation autoritaire marquée par des arrestations de journalistes, de membres de la société civile et de leaders de l’opposition. Parmi ces derniers, plusieurs poids lourds sont toujours incarcérés pour atteinte à la sûreté de l’Etat.
Les colons de retour
L’Internationale socialiste a succédé à la Françafrique, se lamentait plus d’un opposant au lendemain de la visite, même si, malgré les apparences, l’appui français à Issoufou doit plus aux enjeux stratégiques qu’à la proximité idéologique ou à l’amitié.
Dans la matinée, un petit nombre de manifestants issus de la société civile avaient tenté, sans succès, de se montrer sur le trajet du cortège pour protester contre «une recolonisation rampante de nos pays à travers le maintien et l’implantation de nouvelles bases militaires sous le fallacieux prétexte sécuritaire tant galvaudé et la lutte contre le terrorisme. » Mais les amis d’Ali Idrissa, activiste nigérien connu pour avoir milité pour un accord plus équitable avec Areva lors des négociations pour le renouvellement des conventions minières avec le Niger, ont été arrêtés et relâchés dans la foulée.
François Hollande n’a pas vu les trouble-fête nigériens mais une foule joyeuse, façon Tour de France, qui jalonnait en applaudissant le parcours de l’aéroport à la Présidence. On y voyait beaucoup de rose, la couleur du parti au pouvoir, et quelques rares tâches aux couleurs des partis de l’opposition. Mais la spontanéité n’était pas forcément au rendez-vous, la claque étant, comme toujours en pareil cas, rémunérée. 2000 francs (3 euros), dit-on, par personne.