Menacé d’implosion sous les revendications indépendantistes kurdes, l’Irak tente d’endiguer la poussée des djihadistes sunnites de Dahe’ch. Le 29 juin, premier jour du mois sacré de Ramadan, ces derniers ont proclamé l’instauration du califat sur l’ancien territoire des deux premiers empires arabes (Omeyade-Syrie et Abbasside-Irak). Un évènement d’une portée symbolique majeure qui bouleverse radicalement l’échiquier régional.
Aube d’une nouvelle renaissance pan islamique, nostalgie d’une grandeur révolue ou pathologie passéiste ? Quoiqu’il en soit, l’instauration de ce cinquième califat de l’histoire musulmane (1), dans la foulée de l’irruption des djihadistes sunnites sur la scène irakienne a, en tout état de cause, officialisé par ricochet la connivence israélo-kurde, jusque-là souterraine, et accéléré le processus d’indépendance du Kurdistan irakien, donnant de surcroît aux djihadistes sunnites accès aux gisements pétroliers.
Abou Bakr Al Baghdadi, grand calife
Ces trois facteurs font planer un sérieux risque de partition de l’Irak et place désormais ce pays au centre du conflit transrégional; une migration intervenue après quatre ans de guerre en Syrie. Les gages territoriaux engrangés par Dahe’ch en Irak devraient constituer dans l’esprit de ce mouvement, une revanche à ses revers successifs en Syrie.
Sur le plan rituel, le nouveau calife Ibrahim, de son nom de guerre Abou Bakr Al Baghdadi, cumule pouvoir politique et spirituel avec autorité sur l‘ensemble des musulmans de la planète. Une posture qui le hisse au rang de supérieur hiérarchique du Roi d’Arabie, gardien des lieux saints de l’Islam (La Mecque et Médine), d’Ayman Al Zawahiri, le successeur d’Oussama Ben Laden à la tête d’Al Qaida, du président de la confédération mondiale des oulémas sunnites, Youssef Al Qaradawi, le téléprédicateur de l’Otan. Ah la belle audience califale en perspective !
Si les précédents califats ont eu pour siège des métropoles d’empire, -Damas, Bagdad, Le Caire (chiite Fatimide) et Constantinople (Ottoman)-, le dernier venu a planté son pouvoir dans une zone quasi désertique à proximité toutefois des gisements pétroliers générateurs de royalties, les nerfs de sa guerre. De même sur le long chemin du Djihad, des Emirats islamiques ont été institués au Kandahar (Afghanistan), à Falloujah (Irak) et au Sahel, mais aucun n’a jamais songé à planter sa capitale à Jérusalem. La Palestine est bien loin des préoccupations de ces joyeux guerriers.
Ce bouleversement symbolique dans la hiérarchie sunnite sur fond d’exacerbation du caractère sectaire de la rivalité sunnite-chiite a modifié sensiblement les termes du conflit en ce que la surenchère intégriste vient des islamistes sunnites. Un retournement de situation qui a placé en porte à faux leurs bailleurs de fonds, principalement l’Arabie saoudite, qui pourrait pâtir de ce débordement rigoriste et en payer le prix au titre de dommage collatéral. La prohibition par le nouveau calife de la démocratie aux Musulmans va, à coup sûr, combler d’aise les Occidentaux, les parrains originels du djihadisme planétaire, et renforcer leur vive sympathie pour les pétromonarchies rétrogrades.
Par ses répercussions sur le Liban et la Jordanie, deux pays alliés du camp atlantiste, l’alliance si bénéfique à ce jour pourrait se révéler encombrante pour les pays occidentaux et difficile la poursuite de la coopération islamo-atlantiste. La rengaine chère au duo socialiste Hollande-Fabius -«La faute à Bachar»- ne saurait indéfiniment constituer une excuse aux turpitudes des pays occidentaux et des pétromonarchies dont la plus grande réside précisément dans cette alliance contre nature entre deux blocs antinomiques, plutôt que d’accorder un soutien franc et résolu aux démocrates arabes dans leur lutte contre toutes les dictatures.
Le précédent de La Mecque
Bien qu’à exclure en l’état des choses, une intervention directe iranienne trouverait néanmoins sa justification politique et juridique dans le précédent de la Mecque, en novembre 1979, où le GIGN français, bien que constitué de non musulmans, avait opéré un nettoyage du sanctuaire, à la demande de Ryad, pour y déloger des opposants saoudiens. L’Iran pourrait invoquer le même motif pour la défense des lieux saints chiites de Najaf et de Kerbala, dans le sud de Bagdad. La neutralité positive observée jusqu’ici par les Etats-Unis envers l’activisme iranien pourrait modifier la nature du conflit et lui substituer un conflit à fronts renversés avec les chiites d’Irak, au-delà l’Iran, comme garde-fou aux nouveaux débordements de la nébuleuse terroriste néo-islamiste d’inspiration sunnite.
De par sa configuration géo stratégique, l’Irak est propulsé ainsi, involontairement et paradoxalement, en sentinelle des pétromonarchies. Limitrophe de la Turquie et de l’Iran, les deux puissances musulmanes non arabes, le premier sunnite, le second chiite, il borde en outre la Syrie et la Jordanie, ainsi que le Koweït et surtout l’Arabie saoudite, qui pâtit déjà au niveau de l’opinion internationale de son parrainage de Dahe’ch, d’une manière générale de l’’instrumentalisation de la religion musulmane à des fins politiques et de ses retombées djihadistes en Europe, comme ce fut le cas avec les dérapages terroristes de Mohamad Merah et de Hédi Nammouche.
Le bouclier chiite
Cette violente redistribution des cartes a entrainé une réplique du plus emblématique dirigeant chiite d’Irak, Moqtada As Sadr, se positionnant en contre feu chiite à l’offensive djihadiste sunnite. Le puissant dirigeant chiite s’est engagé à relever le défi posé par l’ISIS, promettant de « faire trembler la terre sous les pieds de l’ignorance et de l’extrémisme » des insurgés sunnites, sur fond de tractations pour la formation d’un nouveau gouvernement irakien, alors que les divers protagonistes du conflit d’Irak se mettent en ordre de bataille pour pallier les effets déstabilisateurs de l’offensive surprise djihadiste sunnite sur la scène irakienne.
Par sa déclaration comminatoire, le dignitaire religieux a voulu rappeler à l’attention du camp occidental et pétro monarchique sa force de frappe, -son «Armée du Mahdi», forte de 200.000 membres-, l’équivalent irakien du redoutable Hezbollah libanais, artisan de sérieux revers des forces d’invasion américaines notamment à Najaf, en 2004 et à Bassorah, en 2008. Moqtada As Sadr s’est en outre déclaré opposé à l’envoi de 300 conseillers militaires en Irak, dont 40 étaient mardi dernier à pied d’œuvre, assurant qu’il n’accepterait qu’un « soutien international de la part de pays qui n’occuperaient pas l’Irak », à l’arrière-plan des efforts de la diplomatie américaine visant à mettre sur pied un gouvernement d’Union nationale, faisant place à une bonne représentativité sunnite. Ses déclarations sont intervenues peu après un défilé de ses combattants à Sadr City, dans le nord de Bagdad, alors que, parallèlement, selon le New York Times, l’Iran, allié chiite du pouvoir de même confession à Bagdad, aurait secrètement déployé des drones de surveillance en Irak où elle convoierait également du matériel militaire par voie aérienne et que, de son côté, la Russie donnait de la voix, faisant savoir qu’elle ne resterait pas les bras croisés en cas de progression de Dah’ech (Etat islamique en Irak et au Levant-EIIL).
Sous la bannière de Dahe’ch, les insurgés sunnites se sont emparés en trois semaines de larges pans de territoire dans le nord et l’ouest de l’Irak. Ils ont ainsi ouvert dans l’ouest du pays une voie vers la Syrie en s’emparant du poste-frontière de Bou Kamal, pendant de celui d’Al-Qaïm qu’ils contrôlent déjà, à la faveur d’une entente locale avec Al-Qaïda.
Moqtada as Sadr, l’imam rebelle
Né en 1973 à Koufa, ville sainte proche du sanctuaire de Najaf, disposant du titre de Sayyed qui signe son appartenance à la descendance du prophète, Moqtada As-Sadr occupe une place singulière dans l’échiquier irakien. Frappé d’un triple sceau de légitimité -spirituelle, nationaliste et populaire-, il est le seul dirigeant irakien d’envergure nationale à n’avoir jamais transigé sur ces principes, encore moins pactisé avec ce qu’il considère être ses «ennemis», contrairement aux autres factions irakiennes.
Si les dirigeants kurdes d’Irak, particulièrement le clan Barzani, passent pour être les supplétifs des Américains et les Chiites largement sensibles à l’influence iranienne, notamment les partisans de M. Abdel Aziz Hakim, chef de l’Armée Islamique du Salut, les Sunnites se sont, eux, depuis la jonction entre Al Qaida et sympathisants de la guérilla baasiste épaulée par d’anciens agents des services irakiens, quasiment ralliés à l’EIIL. Des groupements de Jobhat an Nosra, la branche opérationnelle d’Al Qaida en Syrie, ainsi que des segments de l’Armée Syrienne Libre (ASL), en position dans les zones frontalières syro-irakiennes ont eux aussi fait acte d’allégeance à Dahe’ch.
Curieux cheminement, au passage, des baasistes irakiens, une des composantes de l’EIIL, plutôt que d’opposer un front idéologique avec leurs frères baasistes syriens, rallient leur ancien bourreau saoudien, la caution arabe et musulmane de l’invasion américaine de l’Irak, abandonnant à son sort le pouvoir syrien, qui fut leur plus ferme soutien dans la guérilla anti américaine en Irak et s’attira à ce titre les foudres de Washington par la «Syrian Accountability Act», en 2003. Selon un bilan officiel irakien, 1 922 personnes ont été tuées dans les violences en juin, le plus haut bilan mensuel depuis mai 2007.
Moqtada As-Sadr émerge, lui, sort du lot en tant que dirigeant religieux nationaliste, disposant d’une large autonomie qui le place à l’abri d’une allégeance contraignante, à la remorque d’aucune puissance. De par son profil et son parcours, il était considéré comme le scalp idéal irakien d’un président américain en fin de mandat, une «prise de guerre» à l’effet de magnifier le bilan de sa «guerre mondiale contre le terrorisme», à l’effet de magnifier son bilan présidentiel tout court. Par deux fois lors de l’invasion américaine de l’Irak, Moqtada a engagé le combat contre les occupants de son pays Américains et Britanniques, à Najaf, en 2004, soit il y a dix ans, à Bagdad et Bassorah, en 2008.
La bataille de Najaf en 2004
En Août 2004, à Najaf, ville sainte chiite, l’administration néo-conservatrice avait caressé le projet de défaire le chef religieux dans son propre sanctuaire, en pleine campagne présidentielle américaine visant à la reconduction du mandat du Président George Bush. Dans la foulée de la destruction du fief sunnite de Falloujah (avril 2004), la bataille de Najaf, marquée par l’intervention massive des mercenaires de la firme américaine «Blackwater» avait constitué la première épreuve de force entre Américains et les adversaires chiites de l’occupation américaine de l’Irak, regroupés autour de Moqtada As Sadr. Par son ampleur, la combativité des miliciens sadristes, et son dénouement, Najaf est apparue rétrospectivement comme fondatrice d’une nouvelle légitimité de Moqtada As Sadr, le propulsant au centre du jeu politique irakien.
Les combats avaient en effet cessé par suite de l’intervention de l’Ayatollah Ali Sistani, l’autorité suprême chiite en Irak, qui redoutait un désaveu de ses coreligionnaires surpris par son silence qu’ils assimilaient à une complicité passive. L’ayatollah Sistani s’était en effet envolé vers Londres à la veille des combats et n’était retourné que pour ordonner un cessez le feu.
En Avril 2004, qui passe pour avoir été l’un des points les plus chauds de la confrontation américano-irakienne, 80 mercenaires avaient été tués dans les batailles de Falloujah, de Bagdad et de Nadjaf, dont 14 dans la première quinzaine d’Avril. C’est d’ailleurs la capture et la mutilation de quatre mercenaires à proximité de Falloujah, dans le secteur sunnite de l’Irak, qui a déclenché les batailles d’avril.
La bataille de Bagdad et Bassorah, en 2008
Les Américains sont revenus à la charge, au printemps 2008, à Bagdad et Bassorah (sud de l’Irak), en vue de mettre au pas ce jeune dignitaire nationaliste chiite, dans une quête désespérée d’un succès politique et militaire qui gommerait d’un coup la pire catastrophe géostratégique du monde occidental depuis la chute de Saigon (1975) et du Chah d’Iran (1979), il y a trente ans. Les pertes militaires américaines en Irak s’élevaient au 7 avril 2008, à 4.023 soldats tués, 430 suicides au sein des militaires en activité, un nombre sensiblement plus élevé parmi les anciens combattants, soit un taux de suicide chez les fantassins de l’ordre de 17,3 sur 100.000 soldats contre 11,10 pour l’ensemble de la population américaine, selon le «Departement of Veteran Affairs», avec en arrière-plan un surcoût financier de 420 milliards de dollars et des dommages collatéraux substantiels de 200.00 civils irakiens tués, près d’un million de blessés et trois millions de déplacés.
Face au bilan calamiteux américain en Irak aux effets corrosifs sans doute comparables à la défaite soviétique en Afghanistan (1980-1989), Moqtada Al Sadr, le plus emblématique opposant à l’occupation américaine, apparaît, au même titre que Cheikh Hassan Nasrallah, chef du mouvement chiite libanais Hezbollah, comme le scalp idéal qui pouvait justifier a posteriori l’équipée américaine en Irak et légitimer toute la stratégie américaine au Moyen-Orient.
Quatre ans plus tard, la bataille de Bassorah, en Mars-Avril 2008, était intervenue dans un contexte radicalement différent, alors que le 2me mandat de George Bush touchait à sa fin et que l’administration américaine faisait l’objet de pressions multiples visant au retrait du corps expéditionnaire d’Irak. Son objectif visait cette fois-là à briser l’emprise du dignitaire chiite et son prosélytisme religieux sur cette métropole située à la jonction stratégique du Koweït et du Chatt el Arab, la voie d’eau séparant l’Irak de l’Iran. Les combats de Bassorah avaient fait 700 morts dans les rangs sadristes en mars et 40 autres à Sadr City, dans son fief chiite de la banlieue populeuse du Nord-Est de Bagdad. C’est dire le tribut de sang payé par le dignitaire chiite à la libération de son pays du joug américain.
Les cartes du jeu redistribuées
Face à la menace Dahe’ch, Moqtada Al Sadr est revenu sur la scène politique qu’il avait négligée depuis le retrait américain de son pays. L’homme, il est vrai, n’a pas pour vocation d’être une victime sacrificielle que l’on immole pour apaiser la colère des dieux, selon les rites anciens des sociétés primitives, ou dans le cas d’espèce, pour satisfaire les ambitions des puissances régionales ou internationales. Il n’est pas non plus un «Imam radical», comme la presse occidentale se plait à qualifier quiconque s’oppose à l’hégémonie américaine.
C’est un religieux chiite, dont la famille par le double assassinat de son père (2000), l’Ayatollah Mohamad Sadek As-Sadr, et de son oncle (1989) a payé un lourd tribut à son opposition à Saddam Hussein, l’ancien protégé des Occidentaux. Non un «exilé de l’extérieur» mais un résistant de l’intérieur tant à Saddam qu’aux Américains.
La dénomination de la banlieue populeuse du sud de Bagdad du nom patronymique de sa famille «Sadr-city» témoigne de la ferveur populaire dont il bénéficie au sein des classes défavorisées de la société irakienne. Moqtada As Sadr est en somme le contraire des nouveaux dirigeants irakiens, notamment les Kurdes et une fraction des chiites, tel le banquier Ahmad Chalabi, venus au pouvoir dans les fourgons de l’armée américaine.
Au regard des états de service de sa famille, l’assassinat de deux dignitaires religieux, son patriotisme ne saurait souffrir la moindre suspicion. Il ne saurait prêter même à la moindre contestation, contrairement à bon nombre de nouveaux dirigeants y compris chiites, tel l’ancien premier ministre Iyad Allaoui, ancien militant bassiste, opportunément reconverti dans la collaboration avec les services occidentaux, dont il a été un agent attitré, à l’instar de M. Ahmad Chalabi. A noter toutefois qu’Ahmad Chalabi, son forfait accompli, a retrouvé les grâces de Téhéran par ses prise de distance avec les Etats-Unis; un virage radicale de son positionnement dont il a seule le secret.
Enfin, Moqtada As Sadr, dans la léthargie arabe, est certainement un agitateur d’idées, certainement pas un perturbateur. Le jeune chef rebelle, fougueux, est le grand perturbateur de la mise au pas saoudo américaine de l’Irak. C’est le principal grief qui peut lui être adressé. Les nouveaux dirigeants irakiens, tant Chiites que Kurdes, pensaient pouvoir glaner le pouvoir à Bagdad, dans le sillage docile de l’occupation américaine. Mais l’arrogance, la corruption et les erreurs dont ils ont fait preuve et qui constituent la marque caractéristique du zèle des opportunistes, a nourri un mécontentement populaire et grossi d’autant les rangs des partisans de Moqtada.
Sa légitimité religieuse est plus authentique que celle des dignitaires religieux chiites, les exilés de l’extérieur, planqués à Londres au temps de la répression. Sa légitimité se nourrit d’ailleurs directement, paradoxalement, de l’illégitimité de ses contestataires. Car il n’était pas sain de développer, depuis son lieu d’exil londonien, toute une littérature sur les Droits de l’Homme et les injustices dont a pâti le chiisme irakien à travers l’histoire du pays, pour finir par apporter sa caution à l’assaut des forces américaines contre un des hauts lieux saint de l’Islam chiite, le sanctuaire de Najaf. Une telle attitude d’incohérence a discrédité le discours de ses auteurs. Cela a été exactement le cas des trois chiites commis d’office par les Américains au premier gouvernement de l’Irak post-Saddam: Le premier ministre Iyad Allaoui, le ministre de la défense Hazem Chaalane, ainsi que le conseiller pour la sécurité Mouaffak Al-Roubai, tous trois titulaires d’un doctorat en médecine, tous trois d’anciens membres actifs des comités irakiens des Droits de l’Homme depuis leur exil londonien et prosateurs des souffrances des chiites irakiens. Noury Al Malki récidivera dans les mêmes erreurs, au point que le général Qassem Souleimany, le chef de la «Jerusalem Brigade» des pasdarans iraniens, le qualifiait dernièrement d’ «idiot».
L’ombre du Hezbollah
A trop laisser la place vacante aux islamistes sur le champ de bataille, à déserter le terrain, la vacance finit par se prendre et avec elle la direction des opérations d’autant plus aisément que l’Amérique a renoncé depuis longtemps à son rôle d’«honnête courtier» entre Israël et les Etats arabes et que face à une démission arabe quasi-généralisée et leurs dérives sectaires, les combattants islamistes, tant sunnites que chiites, demeurent, par les armes, au péril de leur vie, seuls présents sur le théâtre des opérations.
Le Hezbollah, artisan du dégagement militaire israélien du Liban sans négociation, ni traité de paix, de surcroît un des principaux soutiens militaires au Hamas, la branche palestinienne des Frères Musulmans, se vit à ce titre comme un mouvement de libération national. Allié de la plus importante formation chrétienne libanaise, le «Courant Patriotique Libanais» du général Michel Aoun, bénéficiant de la sympathie agissante de l’élite intellectuelle sunnite libanaise, il se veut une antithèse des djihadistes sunnites en ce qu’il n’a jamais cherché à convertir vers le chiisme des personnes d’autres religions ou sans religion, contrairement aux mouvements sectaires sunnites. Si le Hezbollah libanais cible prioritairement Israël, les djihadistes sunnites de Dahe’ch, de concert avec Jobhat an Nosra, émanation d’Al Qaida, s’applique prioritairement à la destruction des régimes séculiers arabes de la Libye à la Syrie.
«Ce n’était pas les fascistes qui avaient fait sombrer la République de Weimar mais le manque de démocrates. AU XX me siècle, souvenons-nous en, les États ont failli à l’époque du nazisme et du fascisme, en cédant sous la pression de groupuscules minoritaires» (Richard von Weizsäcker, Président de la République fédérale allemande de 1984 à 1994).
1 – Le califat: Le calife est le successeur du prophète de l’islam dans l’exercice politique du pouvoir. Depuis la fondation de l’Islam, quatre califats se sont succédé à la tête du Monde musulman: califat omeyyade de Damas (exilé à Cordoue); califat abbasside de Bagdad; califat fatimide du Caire; califat ottoman. Durant les trois premiers siècles de la conquête arabe (7ème au 10ème), 39 califes se sont succédés à la direction du monde musulman. Quatre Rachidoun, 14 omeyades et 21 abbassides ont gouverné durant 308 ans, soit une durée moyenne de règne de 7,9 ans. Treize des 39 califes ont péri de mort violente.
PAR RENÉ NABA