Dans son Préambule, l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation en République centrafricaine rappelle que les Parties réitèrent » leur attachement à la Constitution du 30 mars 2016″. Effectivement, aucune stipulation de l’Accord Politique, signé le 6 février 2019, ne déroge aux dispositions constitutionnelles. On peut toutefois se demander si le droit sera suffisant pour rétablir la réconciliation nationale. Le euple Centrafricain peut difficilement être écarté de cet accord éminemment politique
L’Accord peut entrer en vigueur dès sa signature.
N’étant pas un accord international de paix mais un accord de politique interne pour la paix, il n’est pas assujetti à la formalité substantielle de la ratification. Rappelons qu’en cas de traité international, notamment sous forme d’Accord de paix, l’article 91 de la Constitution obligerait le Président de la République à demander l’autorisation du Parlement, en l’occurrence actuellement l’Assemblée nationale, pour ratifier l’accord. Tel n’est donc pas le cas.
Le peuple exerce la souveraineté nationale
Si le président de la République peut évidemment négocier et signer un accord international et a fortiori un accord politique de paix et de réconciliation nationale, il ne faut pas aussi méconnaître l’article 26 de la Constitution du 30 mars 2016 qui proclame que » La souveraineté nationale appartient au peuple Centrafricain qui l’exerce soit par voie de referendum soit par l’intermédiaire de ses représentants. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice, ni l’aliéner ». Elus, comme le Président de la République, au suffrage universel direct, les 140 députés sont les Représentants de la Nation. Le chef de l’État peut certes signer un accord politique de paix et de réconciliation nationale, mais les députés devraient aussi pouvoir être consultés sur un tel acte, majeur pour l’avenir de la Nation.
Les risques d’un accord hors sol
La publication de l’Accord, paraphé à Khartoum le 4 février 2019 signé à Bangui, le 6 février 2019, ne fut pas simple. Des arguties furent utilisées pour retarder la divulgation auprès des médias. Quelques fuites permirent néanmoins d’en prendre connaissance, un peu à la sauvette. Les réactions populaires sont mitigées. Si l’espoir de paix est bien présent, en revanche, les grandes inquiétudes sur une impunité déguisée et l’inclusivité dans l’armée, l’administration et le gouvernement sont largement partagées.
Quinze jours après la signature de l’accord, on attendait encore les premières nominations, notamment dans le gouvernement, le comité de suivi et l’administration. Déjà quelques impatiences se font sentir comme celles de l’ancien Premier ministre de Bozize et de Djotodia, Maître Nicolas Tiangaye et de Nourrédine Adam, principal chef rebelle de l’ex-Seleka. L’entrée en vigueur devait se faire dès le 6 février 2019.
La clef de voûte de la nouvelle architecture édifiée à Khartoum est le gouvernement inclusif. Sa constitution ne sera guère aisée. Plusieurs questions se posent inévitablement :
– le Premier ministre, Simplice Mathieu Sarandji, fidèle compagnon de route de Faustin-Archange Touadera depuis une quinzaine d’années, va-t-il être sacrifié sur l’autel de la réconciliation nationale ?
– la nomination de plusieurs chefs rebelles emblématiques, dont certains sont sous sanctions internationales sera-t-elle facilement acceptée par les dizaines de milliers de parents de victimes ?
– la présidence ne va-t-elle pas être tentée de gouverner avec les conseillers ayant rang de ministres, avec un gouvernement-bis ayant la réalité du pouvoir?
Une fois constitué, le Gouvernement devra se présenter devant les Représentants de la Nation. Le Premier ministre aura 60 jours pour présenter son programme de gouvernement. Il devra poser la question de confiance aux 140 députés. Comment ceux-ci réagiront-ils ? Un vote de défiance serait aussi adressé au chef de l’État. De même, le Gouvernement ne sera pas à l’abri d’une motion de censure. On se souvient que les députés centrafricains ont un sens politique à géométrie variable. L’ancien président déchu de l’Assemblée nationale, Karim Meckassoua, l’avait appris à ses dépens.
Que ce soit à l’occasion de la question de confiance ou d’une motion de censure, les parlementaires pourraient alors traduire le sentiment d’avoir été peu associés en amont aux négociations de Khartoum et rélayer un rejet du peuple Centrafricain exerçant la souveraineté nationale, en dépit des pressions extérieures au pays, fussent-elles des amis du pouvoir exécutif.