Le 31 octobre, le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, annonçait sa démission, après un règne de 27 ans. L’homme voulait se maintenir au pouvoir encore quelques années. Le peuple, excédé, ne lui en a pas laissé l’occasion. Le désormais ex-chef d’Etat avait pourtant reçu des avertissements. Retour sur les prémices de cette révolution
Blaise Compaoré a donc « dégagé ». Le président du Burkina Faso avait prévu de régner encore cinq, dix ou quinze ans de plus. Le peuple ne lui a pas laissé finir sa 27ème année de pouvoir. Le 31 octobre, au terme d’une mobilisation populaire sans précédent, Blaise Compaoré, acculé, a démissionné et fuit vers la Côte-d’Ivoire.
Les prémices du printemps burkinabé
L’indéboulonnable président devait tranquillement se retirer à la fin de son quinquennat, en 2015. Il l’avait promis, lors de sa dernière investiture, en 2010 : ce mandat, son quatrième, serait le dernier. Il s’était engagé à respecter l’article 37 de la Constitution du 11 avril 2000, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels – non rétroactive, la mesure ne prenait pas en compte les deux septennats qu’avait déjà exercé Blaise Compaoré entre 1991 et 2005. Reste qu’il n’y a rien de plus confortable qu’un fauteuil de président à vie. La constitution l’empêche de briguer un nouveau mandat ? Changeons la constitution ! Ce qu’il n’avait sans doute pas anticipé, c’est que les Burkinabè ne le laisseraient pas tripatouiller à sa guise les textes de loi.
L’homme fort du Burkina Faso avait pourtant été prévenu : le peuple ne voulait plus de lui. Le soulèvement populaire et démocratique de ces derniers jours ne tombe pas ciel. Depuis des années, la révolte gronde au pays des Hommes intègres. En 2011, quelques mois seulement après sa réélection, la foule adressait à Blaise Compaoré un avertissement, un premier « dégage ! ». Dans le sillage de la Tunisie et de l’Egypte, le Burkina Faso faisait lui aussi son « printemps ». Un mouvement impulsé par les jeunes de Koudougou, la troisième ville du pays. La cité a une longue tradition de contestation. En 1987, « Koudougou la rebelle » s’était illustrée en protestant contre la prise de pouvoir de Compaoré après le coup d’Etat sanglant qui avait coûté la vie à Thomas Sankara. En 1998, les plus fortes manifestations après l’assassinat du journaliste Norbert Zongo avaient eu lieu dans cette ville. La révolte de 2011, prémices de la contestation actuelle, a commencé dans les rues de Koudougou le 22 février.
Ce jour-là, la jeunesse bat le pavé pour demander justice pour un élève, Justin Zongo, passé à tabac dans un commissariat de la ville. Dans un pays usé par la vie chère, le chômage et des années de pouvoir sans partage, le mouvement de contestation fait tâche d’huile. Très vite, les étudiants, les commerçants, les magistrats, les militaires, la garde présidentielle, à Koudougou, Ouagadougou, Bobo, se soulèvent à leur tour. Ras-le-bol de l’injustice, ras-le-bol des prix qui flambent, ras-le-bol du système politique en place qui favorise toujours les mêmes. « On sentait monter la crise depuis bien longtemps », confient responsables syndicaux et politiques.
Le peuple, excédé par l’impunité et le fossé qui se creuse entre une poignée de très riches et l’immensité des plus pauvres, n’a plus confiance en son gouvernement. La crise, au départ sociale, devient politique. Blaise vacille au son du désormais célèbre « dégage ! ». Le spectre d’une modification de la Constitution en faveur de son maintien en place se devine déjà, le peuple exprime son refus d’une telle pratique. Les Burkinabè ne veulent plus de « Blaise ». Ce quinquennat doit être le dernier, comme le prévoit la constitution. « Le chef de l’Etat doit avoir le courage de s’adresser à son peuple pour lui dire de façon solennelle qu’il en est à son dernier mandat. Il doit aussi s’engager dans de véritables réformes politiques et institutionnelles », martèle Bénéwendé Stanislas Sankara, le chef de l’opposition de l’époque.
Fin de partie
Trois ans et quelques promesses plus tard, Blaise Compaoré a semble-t-il oublié les mises en garde de son peuple. En 2014, une modification du fameux article est annoncée. « Contrairement à tous les autres politiciens burkinabè de son époque (…) Blaise Compaoré est d’une extraordinaire patience. Il sait toujours attendre son heure. Il les choisit bien pour dérouler sa stratégie, pas après pas. Ca lui a toujours réussi. Pourquoi changera-t-il? », écrivait Boureima Ouedraogo dans le journal Le Reporter en janvier dernier. « Jusque-là, il a su trouver les hommes pour mener son combat. Le discours aussi, quoique cela soit le moins important dans sa stratégie. L’important, c’est quand ? Avec qui? Comment ? Le pourquoi est déjà connu : se maintenir au pouvoir. Ca fait plus de 26 ans qu’il y parvient ». Plus cette fois.