Comme lors de la disparition en 2009 d’Omar Bongo, le père d’Ali Bongo, le clan familial, qui ignore si l’actuel président survivra à son hospitalisation en Arabie Saoudite, veille à contrôler l’essentiel du pouvoir.
Évidemment au Gabon, mais aussi dans les chancelleries et dans les États de la Communauté Économique des États d’Afrique Centrale que préside le président Ali Bongo Ondimba, l’inquiétude monte à mesure que le temps passe et que le diagnostic médical de l’auguste invité de Mohamed Ben Salman, à Riyad, se fait attendre. Sans évidemment préjuger de l’avenir, on se rappelle néanmoins le dernier voyage d’Omar Bongo Ondimba à Barcelone, en 2009, et la gestion de sa disparition.
En 2009, le monde entier pensait que le président Omar Bongo Ondimba était en bonne forme, lorsque le lundi 8 juin de cette année là à 14 heures, la clinique Quiron de Barcelone annonçait le décès de El Hadj Omar Bongo Ondimba. Il y était hospitalisé depuis un mois.
Le matin même de ce funeste lundi, le premier ministre gabonais, Jean Eyeghe Ndong, assurait sur les ondes, la main sur le coeur, que le président Omar était en bonne forme et que les intoxications nauséabondes circulant sur sa mort, devaient cesser. Le doyen de chefs de l’État africain – 41 ans de pouvoir- était pourtant bel et bien agonisant artificiellement car les importantes formalités successorales n’étaient pas encore terminées. Il décédera 5 heures après la déclaration du Premier ministre.
Une gestion successorale professionnelle
Pendant ce temps là, à Libreville, la famille d’Omar Bongo Ondimba, rassemblée autour de son fils, Ali Bongo Ondimba, ministre de la Défense, prenait toutes les mesures d’ordre militaire et sécuritaire sur l’ensemble du territoire et ordonnait les mesures préventives afin d’éviter une succession hors dynastique. Toutes les frontières du pays étaient fermées. Les placements off shore étaient en voie de sécurisation. La présidente de la Cour constitutionnelle, la déjà inamovible Marie-Madeleine Mborantsuo, en application de l’article 13 de la Constitution, pouvait enfin constater « l’empêchement définitif du président Omar Bongo Ondimba » et l’ouverture de la transition assurée par le président du Sénat, devenant chef de l’État par intérim jusqu’à l’élection présidentielle qui vit la victoire d’Ali Bongo Ondimba.
« La fatigue sévère » du président Ali Bongo Ondimba
En ce 9 novembre 2018, le président Ali Bongo Ondimba est toujours hospitalisé dans le King Faisal Hospital de Riyad, et cela depuis le 24 octobre 2018. Selon des sources concordantes, le président gabonais aurait subi un AVC nécessitant une intervention chirurgicale délicate et la présence de plusieurs cardiologues occidentaux réputés, assistant son médecin personnel.
Aucun bulletin médical circonstancié n’a été publié à ce jour. Les proches du président gabonais dont son épouse, Sylvia Bongo Ondimba, présents à Riyad, assurent qu’Ali Bongo Ondimba a eu une sévère fatigue et qu’il n’y avait aucune inquiétude à avoir.
Gestion de crise à Libreville
Pendant ce temps là, à Libreville, un triumvirat de crise s’est constitué autour du frère cadet du président Ali Bongo Ondimba et directeur général des services spéciaux, de renseignement et de sécurité, le saint-cyrien Frédéric Bongo Ondimba, qui s’était déjà fait remarquer lors des remous post-électoraux et des manifestations anti-Bongo. La Première Dame, au chevet de son époux hospitalisé.à Riyad, est en contact permanent avec Frédéric Bongo.
Enfin le général Grégoire Kouna (45 ans), cousin du président, commande la réputée et crainte Garde républicaine formée de 3000 militaires bien formés, bien équipés et d’une totale loyauté au clan Bongo. Le général Kouna est sans scrupules pour maintenir l’ordre, comme il l’a déjà démontré. Le directeur de cabinet du président Ali Bongo Ondimba, Brice Laccruche Alihanga ( 38 ans), le » tout puissant », apporte son expérience financière et représente la continuité de l’État. Cet ancien commissaire aux comptes de Pricewaterhousecoopers est aussi à la manoeuvre dans les médias et la jeunesse.
Un nouveau retour sur scène de « 3M » ?
Enfin, la présidente Marie-Madeleine Mborantsuo (3M ) en poste depuis 1991, qui s’était illustrée, le 30 avril 2018, en mettant un terme à la législature et en précipitant la démission du gouvernement, revient en scène pour inviter les medias à ne pas tomber dans de fâcheuses affabulations et constater qu’actuellement il y avait ni empêchement définitif ni vacance du pouvoir présidentiel.
Après 2009, l’incontournable « 3M » va-t-elle néanmoins devoir prochainement utiliser l’article 13 de la Constitution, sur la saisine des deux chambres du Législatif ? Dans une telle hypothèse, elle serait, en quelques mois, intervenue constitutionnellement dans le fin des mandats de l’Assemblée nationale, du gouvernement et du chef de l’État.
Au delà de la situation gabonaise, une telle perspective serait très préoccupante pour toute l’Afrique centrale qui peine déjà à se remettre de la réélection de Paul Biya, au Cameroun, et qui attend avec inquiétude le scrutin présidentiel du 23 décembre 2018, pour la succession de Joseph Kabila, en République Démocratique du Congo.