Au cours des dix derniers jours, l’or noir flambe. Il a enregistré sur certains jours des hausses de plus de 3 %, et le brent a dépassé la barre des 85 $ le baril, record depuis la crise de 2008. Une chronique de Dov Zerav
Pour éviter que le prix du gallon ne s’invite aux prochaines élections de mi-mandat, le 6 novembre prochain, Donald Trump cherche à faire baisser le prix de l’or noir, en recourant à deux méthodes :
- Presser l’Arabie saoudite d’augmenter ses ventes, et de remettre en cause les quotas institués par l’OPEP pour enrayer la baisse des prix. Les opérateurs de marché ont même fait référence à une conversation téléphonique entre le Président américain et le Roi saoudien
- Vendre éventuellement une partie de la réserve stratégique qui représente un mois de consommation des Etats-Unis.
Beaucoup attendent une baisse dans une à deux semaines, juste avant les élections, mais cela ne pourra être durable tant que le marché est déséquilibré par une offre insuffisante.
Une Europe impuissante
La conclusion d’un mode opératoire entre l’Europe et l’Iran relatif à la vente de pétrole iranien, même par le biais d’opérations de troc n’a absolument pas influencé les marchés, ce qui démontre la très faible capacité d’influence de l’Europe.
L’augmentation du prix du brut est communément imputée aux nouvelles sanctions américaines à l’encontre de l’Iran, et donc à la diminution de l’offre par la fin attendue des exportations iraniennes.
« La méthode du bâton »
Le marché pétrolier est aussi perturbé par l’arrêt, depuis septembre, des exportations américaines à destination de l’Empire du milieu, mesure prise dans le cadre de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. Aujourd’hui, c’est près de la moitié du commerce américano-chinois qui est impacté par les mesures prises par l’administration TRUMP.
Le Président Donald TRUMP a plus de succès avec ses partenaires américains, le Canada et le Mexique. Un accord est intervenu. L’USMCA prend la suite de l’ALENA. Les Américains ont principalement obtenu :
- Une ouverture des marchés canadiens aux fermiers américains
- Une augmentation de 62,5 à 75 % de la part des composants produits aux Etats-Unis dans les véhicules importés
- Le maintien des surtaxes sur l’acier
En contrepartie, les américains n’ont fait qu’une seule concession, le maintien de du dispositif de résolution des conflits, mis en place dans le cadre de l’accord conclu il y a vingt-cinq ans.
Passé largement inaperçu, un accord a aussi été conclu entre les Etats-Unis et la Corée du Sud. Ces deux succès devraient conduire à la réflexion sur « la méthode du bâton » développée par le Président Donald TRUMP.
En revanche, il est moins écouté sur deux sujets :
- En augmentant les taux d’intérêt, pour la troisième fois en 2018, pour la huitième fois depuis 2015, de 2 à 2,25 %, la FED a refusé de « prendre en compte les facteurs politiques ». Un quatrième relèvement est attendu d’ici à la fin de l’année. La FED poursuit sa démarche de sortie de la politique d’assouplissement monétaire, « quantitative easing ».
La banque centrale fédérale cherche à éviter une surchauffe de l’économie américaine, marquée une croissance de 3,1 %, une inflation de 2 %, un taux de chômage de moins de 3,7 %, historiquement le plus bas depuis plus de cinquante ans.
Cette décision devrait permettre de calmer les ardeurs des opérateurs boursiers, notamment à Wall street qui connait son plus long mouvement haussier de son histoire.
Elle va aussi avoir des effets collatéraux sur de nombreux pays, et plus particulièrement sur ceux en difficultés comme l’Argentine, le Pakistan ou la Turquie. Plus généralement, elle constitue, avec les conflits commerciaux et la flambée du pétrole, un frein à la croissance mondiale.
- L’appréciation du dollar, peu favorable aux exportateurs américains. Malgré la vente de bons américains par les Chinois, la devise américaine est portée à la hausse par la remontée des taux d’intérêt et par la faiblesse de l’euro. Pour la première fois, le seuil de 1,15 $ pour 1 € a été cassé la semaine dernière.
Au-delà du psychodrame du BREXIT, l’Europe, et plus particulièrement la zone euro, est quelque peu déstabilisée par la posture et les décisions budgétaires de l’Italie.
Cela fait resurgir le spectre d’une nouvelle crise européenne des dettes souveraines. Ont réapparu sur les marchés les écarts de taux longs entre les pays, et plus particulièrement entre l’Allemagne et l’Italie.
Les nuages s’accumulent sur le ciel européen avec la flambée du pétrole, l’appréciation du dollar, la remontée des taux américains, les contentieux commerciaux…Dans ces circonstances, aucun pays n’a intérêt à faire cavalier seul. Cela aura des influences négatives sur la croissance, et nous sommes peut-être à un point d’inflexion de la conjoncture mondiale. Le probable tassement de la croissance mondiale permettrait alors, avec une réduction de la demande de pétrole, d’orienter le prix à la baisse.
Dov ZERAH