Les heures du premier ministre Youssef Chahed à la tête du gouvernement tunisien sont-elles comptées? On peut le penser. Du moins si le président tunisien, Beji Caïd Essebsi, veut éviter le retour en force des nostalgiques de l’ère Ben Ali.
Après les audiences accordées, coup sur coup, par le président Béji Caïd Essebssi (dit BCE) au patron des islamistes d’Ennahda, Cheikh Ghannouchi et au secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, les deux principales forces politiques de la Tunisie par ailleurs antagonistes, BCE cherche à prévenir le retour en force des « sécuritaires » en changeant son Premier ministre, Youssef Chahed, avec lequel il est en guerre ouverte depuis des mois. C’est du moins l’analyse de nos amis du site « Maghreb Intelligence » généralement bien informé.
L’héritage, et après?
Au fond, le meilleur stratège d’un changement de cap n’est il pas le Président lui même? Il est le seul en effet à pouvoir tourner proprement la page de la transition démocratique qu’il incarne mieux que tout autre. BCE n’a-t-il pas été élu régulièrement en 2014, avec l’appuis de la communauté internationale qui aujourd’hui fait les fins de mois de la Tunisie? Et la survie de son clan, dont son fils, encore à la tète du parti présidentiel, dépend d’une sortie par le haut de la crise profonde que traverse aujourd’hui la Tunisie.
Gageons que la réforme de l’héritage qu’un BCE à court d’idées a mis en avant, relayée et valorisée par des médias étrangers, n’a juste aucune prise sur une situation institutionnelle, sociale et diplomatique calamiteuse. Le président tunisien se doit de trouver un nouveau crédit auprès d’une opinion publique totalement frustrée et déçue.
Une grève générale qui en dit long
Sollicité par le locataire de Carthage, le leader islamiste, Rached Ghannouchi, qui avait soutenu jusqu’à présent le Premier ministre, a demandé un délai afin de se prononcer sur la demande du chef de l’Etat de démettre le Premier ministre, Youssef Chahed.
Quant à Taboubi, à la tète du puissant syndicat qui conforte et affaiblit les pouvoirs depuis l’indépendance, il s’est empressé d’annoncer une grève générale qui risquerait de « paralyser 90 % du service public .
Et pour ajouter à la tension générale qui prévaut dans le pays, Youssef Chahed qui représente le Tunisie au sommet Chine-Afrique, est absent. Du coup, le parti présidentiel Nidaa Tounès, partagé entre partisans du Premier ministre et du chef de l’état, a annoncé que ses ministres avaient délégué aux dirigeants leur formation l’opportunité de se retirer du gouvernement d’Union nationale. Et comme cela ne suffisait pas, le député de Nidaa Tounès, Khaled Chouket a jeté un gros pavé dans la mare, en affirmant que l’armée pourrait bien prendre le pouvoir « si le Premier ministre refusait de baisser les bras et de s’en aller ». Une menace bien sûr lourde de conséquence et qui en dit long sur le point de non-retour auquel les relations entre les locataires de Carthage et de la Casbah sont arrivées aujourd’hui.
Alors quelle porte de sortie pour le Premier ministre, qui au bout de plusieurs passes d’armes victorieuses contre le Béji Caïd Essebssi et son fils Hafedh, se retrouve aujourd’hui cloué au pilori ? Pour le moment, tous les indicateurs montrent que la nouvelle coalition Essebssi-Ennahda-UGTT est bien partie pour avoir sa peau. A moins que la France, l’Union Européenne, les Etats-Unis et les bailleurs de fonds aient leur mot à dire.
On ne devrait pas tarder à connaitre la réponse.