Après plusieurs altercations en 2013 entre humanitaires et réfugiés à Mbera, le HCR donne une impulsion plus humaniste à cet immense camps de 300 hectares à la frontière mauritano-malienne.
Si les camps de réfugiés peuvent être considérés comme une bouée de sauvetage pour ceux qui ont fui la guerre, certaines organisations humanitaires semblent avoir oublié l’histoire et l’origine de ces populations. À la suite de la prise du pouvoir par le MNLA (mouvement national de libération de l’Azawad) au Mali en 2012, plus de 60 000 maliens s’étaient réfugiés en Mauritanie, dans le camp de Mbera. Ils sont aujourd’hui environ 55 000 selon le HCR.
Culture nomade et vie dans les camps
Plus l’urgence est élevée, plus il est difficile pour les humanitaires de s’adapter à la culture des réfugiés accueillis dans les camps. Beaucoup d’incompréhension a été ressentie à Mbera. L’identité même des réfugiés demeure floue pour le HCR. Alors que la plupart des discours s’adressent à des populations touaregs, les réfugiés du camp sont, eux, essentiellement maures. Car si ces deux populations vivent au Mali, leurs régions d’origine et leurs coutumes diffèrent radicalement (notamment en vertu du fait que les touaregs s’orientent plutôt vers le Niger). Or, il y a une profonde méconnaissance de la différence entre Touaregs et Maures ainsi que des fractions intercommunautaires. Aujourd’hui encore, le HCR affirme qu’il héberge dans son camp un nombre égal de ces deux catégories de populations pour des raisons politiques.
C’est ainsi que l’on impose plus que l’on ne propose : un coût important du budget du HCR a servi à financer des latrines alors que les réfugiés n’y étaient pas accoutumés. Ces latrines ont alors été perçues dans un premier temps comme un espace propice aux viols ou à la présence des esprits. Si aujourd’hui la situation semble se résorber, persistent certains problèmes comme la taille des latrines, peu adaptée aux femmes, portant de larges voiles.
L’éducation a également pris une place budgetaire accrue. Bruno Geddo, responsable du HCR en Mauritanie, s’est dit accablé lors de son arrivée au camp de Mbera en 2014 devant un taux d’accès à la scolarité aussi faible. « En un an, on est passé de 33% à 44% d’enfants scolarisés et aujourd’hui les signes d’amélioration sont toujours satisfaisants ». Il y eut en effet une crise de confiance considérable envers les écoles, trop souvent éloignées du camp et disposant de professeurs souvent trop peu qualifiés. L’objectif a donc été de recruter un personnel plus adapté. Cependant, on remarque une nouvelle fois que la culture est mise de côté. Pour beaucoup en effet, l’école est vue comme une institution noble et certains réfugiés refusent de faire entrer leurs enfants dans un espace qui ne semble pas leur être dédié. Mais ces réfugiés s’interrogent sur la pertinence d’envoyer leurs enfants à l’école alors qu’ils devront reprendre leur travail de pâturage une fois rentrés au Mali.
« Vers l’autonomisation »
C’est ainsi que le HCR a décidé de s’engager vers plus de dialogue social et culturel avec les réfugiés. Longtemps demandées mais pas assez pratiquées, les visites à domicile font désormais parti d’un procédé régulier dans le camp de Mbera. Elles constituent une étape indispensable au bien-être des populations afin d’assurer une communication efficace entre ce que les humanitaires proposent et ce dont les réfugiés disposent selon Alice Corbet, qui a effectué un travail de consultation pour le HCR. Alors on ne pourra certainement pas lutter contre l’esclavage, mais on pourra permettre aux esclaves d’être autonomes et de recevoir des vivres de façon individuelle. Cette nécessaire reprise de dialogue a permis au camp de retrouver une certaine stabilité.
Les réfugiés se sont donc adaptés à ce que le camp de Mbera leur a offert. Cependant, la réception de vivres et l’accès aux soins induisent un sentiment de dépendance à ces populations démunies. Le HCR souhaite faire évoluer cette perception de l’humanitaire en mettant en œuvre des mesures d’autonomisation en renforçant les cours d’alphabétisation, la formation professionnelle ou encore les projets de micro-finance. B. Geddo insiste sur le fait que « le métier doit changer le résultat final qu’il soit au Mali ou en Mauritanie ». Mais le HCR peut-il réellement impulser un quelconque changement lorsque les enjeux politiques et économiques semblent frappants ?