Nos partenaires de l’ONG « Sherpa » s’inquiètent du comportement des socialistes qui lors du débat, le jeudi 29 à l’Assemblée, sur l’impunité des multinationales en Afrique, ont botté en touche
L’examen en plénière de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales jeudi 29 janvier à l’Assemblée nationale a tourné court. Les députés PS ont suivi la consigne du gouvernement en votant un renvoi en commission du texte, dont ils étaient pourtant co-auteurs. Nos organisations déplorent la décision du groupe socialiste d’abandonner un texte préparé depuis 24 mois contre la promesse d’un nouveau qui pourrait être déposé la semaine prochaine et dont la portée reste plus qu’incertaine. Le gouvernement a préféré ne pas froisser les entreprises plutôt qu’honorer ses engagements internationaux, malgré le soutien de l’opinion publique française .
Invoquant de manière fallacieuse l’instabilité juridique du texte et le manque de temps pour son analyse, le groupe socialiste a voté à 16 voix contre 4 pour le renvoi en commission du texte. Malgré un soutien exprimé par tous les groupes parlementaires sur les objectifs même de cette loi, à savoir prévenir les risques de violations des droits humains et environnementaux et permettre l’accès des victimes à la réparation, le principe de responsabilisation juridique des sociétés mères et donneuses d’ordre ne fait pas consensus.
Première surprise pour la société civile, le représentant du gouvernement en séance était le secrétaire d’État au Commerce extérieur Matthias Fekl. Sollicité dès son arrivée au gouvernement par nos organisations, ce dernier avait pourtant indiqué ne pas travailler sur le sujet. Dans son intervention liminaire, le secrétaire d’État a annoncé qu’un travail était en cours pour proposer un nouveau dispositif autour de deux axes : « l’instauration d’un devoir de vigilance sous la forme d’une obligation de mettre en place un plan de vigilance couvrant tous les domaines de la responsabilité des entreprises et prévoyant des procédures de prévention des risques, ainsi que l’adoption d’un système de vérification par un juge et de sanction par astreinte si besoin pour faire respecter cette obligation. (…) Grâce à ce dispositif, la méconnaissance par une société de son devoir de vigilance pourra être invoquée devant le juge à l’appui d’une action en réparation fondée sur le régime de responsabilité civile de droit commun. »
Cette proposition constitue un premier pas dans la transposition nationale des engagements français en matière de respect des droits fondamentaux par les entreprises multinationales mais elle ne saurait se substituer en l’état à la proposition de loi initiale. Elle ne reflète que des engagements européens déjà pris par la France et ne rendra obligatoire que ce que les entreprises prétendent faire depuis longtemps. La multiplication de codes éthiques et de bonne conduite ces dernières années n’a pas permis d’enrayer la litanie des catastrophes humaines et environnementales provoquées par les multinationales.
Charge de la preuve
L’élément central du texte initial, à savoir la reconnaissance de la responsabilité juridique des sociétés mères et donneuses d’ordre sur les activités de leurs filiales et sous-traitants accompagnée d’un renversement partiel de la charge de la preuve, est complètement évacuée.
Pour être effective, l’obligation de vigilance doit être assortie de sanctions en cas de manquement et de survenance d’un dommage. Or cette sanction ne peut pas reposer sur le régime de responsabilité civile de droit commun, qui induit un parcours jonché d’obstacles pour les victimes qui n’obtiennent jamais réparation.
La nouvelle proposition de loi pourrait être déposée par les députés socialistes la semaine prochaine, pour un examen le 30 mars.