À partir du 1er janvier 2016, la Suisse mettra dehors tous les étrangers qui ont commis un délit, même mineur, comme une fraude aux prestations sociales. Une décision qui risque d’inspirer d’autres pays européens.
Au départ, il s’agit d’une initiative populaire intitulée « pour le renvoi des étrangers criminels », lancée en 2008 par l’Union démocratique du centre (UDC), le parti le plus à droite de l’échiquier politique suisse, comme son nom ne l’indique pas. Ensuite, il suffit de réunir 100 000 signatures pour que cette « initiative » devienne un référendum. Alors que le gouvernement, le Parlement et tous les autres partis politiques, de gauche comme de droite, appellent à voter «non», 52,9 % des Helvètes approuvent le 28 novembre 2010, le renvoi, non pas des criminels mais des délinquants étrangers.
En effet, cette loi ne s’applique pas seulement à des étrangers condamnés pour meurtre, viol ou traite d’êtres humains, mais également à ceux qui se livrent au trafic de drogue, à du brigandage ou qui ont « perçu abusivement des assurances sociales ou de l’aide sociale ». En clair, un Tunisien ou un Gabonais, né à Genève, qui n’a jamais mis les pieds dans le pays de ses parents, peut être expulsé s’il se retrouve dans une bagarre violente ou avec du haschich dans les poches. On peut même se demander si cette sanction ne s’applique pas aux graves accidents de la route.
En contradiction des accords internationaux
Pourquoi ce décalage entre cette ;« votation » en novembre 2010 et l’application de la loi en janvier 2016 ? Le Conseil fédéral (gouvernement) a tenté de bloquer le plus longtemps possible, redoutant de cette « initiative » risquait d’envenimer les relations de la Suisse avec ses voisins. En effet, cette « votation » contredit des accords internationaux et bilatéraux. Si la Suisse expulsait un Français sous prétexte qu’il aurait tenté de fourguer dix grammes de cocaïne, l’Hexagone, en représailles, ne risque-t-elle pas de faire de même avec un banquier helvétique installé à Paris qui aurait aidé des contribuables à frauder le fisc?
Mais comment s’opposer à une décision populaire, à moins de changer de peuple? Le Parlement a donc modifié la Constitution fédérale pour pouvoir renvoyer « les étrangers criminels ». Seul frein apporté par les parlementaires: les délits pouvant entraîner un renvoi devront faire l’objet d’un procès. Une décision qui risque d’embouteiller les tribunaux. Dans La Tribune de Genève, Patrick Guidon, vice-président de l’Association suisse des magistrats de l’ordre judicaire, a calculé que ça allait occasionner 500 procès supplémentaires à Berne, 400 à Genève et 350 à Bâle. Cette décision risque aussi d’inspirer les formations d’extrême droite dans le reste de l’Europe. Tous les xénophobes ne rêvent-ils pas d’expulser tous les étrangers fumeurs de joints?