Emmanuel Macron qui réunit ce mardi à Paris un sommet sur la Libye a publiquement exprimé son soutien à la tenue d’élections en 2018, tout comme l’ONU. Un pari irréaliste, selon Human Rights Watch.
Les hauts représentants de l’ONU et le Conseil de sécurité devraient conjointement exhorter toutes les parties en Libye à veiller à ce que les conditions d’une élection nationale crédible soient réunies avant l’organisation du scrutin.
En juillet 2017, au cours d’une réunion organisée par le président de la France, Emmanuel Macron, le Premier ministre Fayez Serraj, du gouvernement d’entente nationale, et Khalifa Hiftar, commandant des forces de l’armée nationale libyenne, basées dans l’est de la Libye, ont conclu un accord de principe sur la tenue d’élections au cours du premier semestre 2018. Or, il n’existe actuellement aucun plan global ou de garanties pour la protection de la liberté d’association et de réunion et l’état du droit.
Le Conseil de sécurité de l’ONU et l’Union européenne soutiennent le gouvernement d’entente nationale, appuyé par les groupes armés et les milices de l’ouest de la Libye, mais qui exerce un contrôle limité sur le territoire. Son rival, le gouvernement intérimaire basé dans les villes orientales d’al-Bayda, Tobrouk et Benghazi, est soutenu par l’armée nationale libyenne, qui contrôle de larges parties de l’est et du sud de la Libye, à l’exception de la ville de Derna.
La violence consécutive aux dernières élections générales libyennes en date de 2014 a conduit à l’effondrement de l’autorité centrale et des institutions clés, notamment les forces de l’ordre et le pouvoir judiciaire. Il en résulté deux gouvernements concurrents contestant leurs légitimités respectives. Depuis, des groupes armés ont enlevé, placé en détention arbitraire, torturé, fait disparaître de force et tué des milliers de personnes en toute impunité. Les conflits prolongés ont décimé l’économie et les services publics et provoqué le déplacement de 165 000 personnes à l’intérieur même du pays.
Des lois restrictives ont affaibli la liberté d’expression et d’association en Libye, et des groupes armés ont intimidé, harcelé, menacé, agressé physiquement et détenu arbitrairement des journalistes, des militants politiques et des défenseurs des droits humains.
Le système de justice pénale s’est pratiquement effondré. Les tribunaux civils et militaires de l’est et du sud ne fonctionnent toujours pas pour la plupart, ou de manière limitée ailleurs dans le pays. Des groupes armés ont menacé, intimidé et attaqué des juges, des procureurs, des avocats et des responsables gouvernementaux. Les juridictions libyennes ne sont pas en mesure de résoudre les litiges électoraux, notamment en ce qui concerne l’enregistrement et les résultats des votes.
L’inscription des électeurs devrait être inclusive, accessible et ouverte au plus grand nombre possible de Libyens résidant dans leur pays ou à l’étranger, a rappelé Human Rights Watch. Des dispositions devraient également être prises pour donner aux personnes placées de longue date en détention arbitraire la possibilité de voter, en l’absence de condamnation pénale et de base juridique valable. La Haute Commission électorale devrait également vérifier de façon régulière son registre des électeurs afin d’éliminer toute erreur.
En tant qu’État partie aux traités internationaux relatifs aux droits humains, la Libye est contrainte par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui garantissent la liberté de parole, d’expression et d’association. La Libye est également liée par la Déclaration sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique, adoptée par l’Union africaine à Durban en 2002, qui stipule qui affirme que les élections démocratiques doivent se dérouler dans le cadre de « constitutions démocratiques et en conformité avec les instruments juridiques », et dans le cadre d’une séparation des pouvoirs garantissant en particulier l’indépendance du judiciaire.