Le Nord du Mali est en butte à des luttes fratricides, alors que certains veulent croire à la signature d’un accord, issu des pourparlers d’Alger et prévu pour le 15 mai à Bamako. La paix serait elle seulement un mirage ?
Bamako s’apprête à accueillir, le 15 mai, les principaux acteurs de la crise malienne. Les chancelleries, notamment la diplomatie française, veulent croire à un accord de paix, grace aux pourparlers d’Alger. Mais les chances de succès paraissent minces.
Le bourbier du Nord
Le Nord Mali reste plongé dans le chaos. Dans la région de Tombouctou, les violences touchent aux populations civiles. Le jeudi 7 mai, des boutiques du village de Douékiré, 50 000 habitants, où se tenait la foire hebdomadaire, ont été la cible de pillages. Une voiture et cinq motos appartenant à des civils ont été dérobées par des hommes lourdement armés qui ont fait irruption. D’autres vols de véhicules ont eu lieu sur la route reliant Goundam à Tombouctou. Le scenario s’est répété dans plusieurs localités de la région du cercle de Goundam dont M’bouna, Goundam, Bintagoungou et Douékiré. Au delà des groupuscules terroristes qui sévissent, l’insécurité quotidienne est totale. Les juges envoyé de Bamako ont déserté, l’Etat n’existe plus.
La semaine précédente, le passage d’une « caravane pour la paix » dirigée par Abdoul Majid Ag Mohamed Ahmed, le chef traditionnel de la tribu « Kel Ansar » avait déclenché un regain de violences. La Minusma qui escortait le convoi n’a rien pu faire. Des groupes armés s’en étaient pris aux populations sédentaires de la région. Extrêmement fragile, la situation sécuritaire s’est particulièrement dégradée ces quinze derniers jours dans cette partie du Mali où les affrontements font rage entre les groupes indépendantistes et l’armée malienne.
Les groupes terroristes continuent par ailleurs de sévir sur le sol malien. Aqmi reste actif dans la région de Tombouctou qui couvre le bassin de Taoudeni jusqu’en Algérie et au Sahara occidental. Malgré plusieurs opérations de la force française anti terroriste Barkhane, l’organisation conserve plusieurs hommes forts à sa tête dont Yehiya Abou Elhamam et Abou Talha le Mauritanien. Le Mujao, El Mourabitoune et Ansar Eddine dirigés respectivement par Hamada Ould Khairou, Mokhtar Bel Mokhtar et Iyad Ag Ghaly sont pour leur part présents à Gao, Kidal jusqu’en Algérie et au nord Niger. « Ils sont très influents sur le terrain et agissent à travers des assassinats ou des attaques planifiés. Ils disponsent par ailleurs d’informateurs au sein des populations et dans jusqu’au sein de l’Etat malien » déclare une source administrative malienne.
Les Peuls contre l’armée
Plus inquiétant encore, d’autres zones relativement épargnées jusqu’à présent sont au bord de l’embrasement. Les violences se multiplient au centre du pays dans les régions de Mopti et Ségou où vivent majoritairement les populations peules. Ces éleveurs nomades noirs entretiennent une rivalité historique avec les touaregs, eux aussi éleveurs. Outre le classique vol de bétail, les deux communautés s’accusent mutuellement d’organiser des braquages dans des villages reculés du nord et du centre du pays. Face à l’inaction de Bamako, une grande partie des populations peuls a développé un sentiment de défiance vis-à-vis de l’Etat central accusé de les avoir abandonné à leur sort. Nombre d’entre eux ont ainsi rejoint les rangs du Mujao lors de l’éclatement de la crise malienne en 2012.
L’atmosphère est de plus en plus électrique dans cette zone du centre du Mali en proie à une inquiétante recrudescence des violences. Selon des sources touarègues, 150 familles peuls ont été victimes d’exactions et d’actes de tortures par l’armée malienne depuis le début de l’année 2015. Une version que conteste le journal malien d’opposition « L’Aube » qui pointe la responsabilité des rebelles du Mnla. Toujours de source touarègue, ces actes sont le fruit de représailles face aux attaques menées contre les militaires maliens par « le front de libération du Macina » (voir l’encadré ci-dessous). En janvier dernier, ce groupe s’était en effet attaqué à des positions militaires maliennes dans plusieurs villages de la région centrale de Mopti dont Djora, Teninkou et Nampala. Composé de peuls, ce groupe est affilié à Hamadoun Kouffa, un prêcheur radical de la zone qui a rejoint le MUJAO en 2012. Il est soupçonné aujourd’hui de proximité avec le terroriste Iyad Ag Ghali.
Le MNLA en embuscade
A l’instabilité sur le terrain s’ajoutent les nombreuses incertitudes qui entourent la signature de l’accord de paix inter malien prévu pour le 15 mai prochain. En effet, les touaregs du MNLA qui revendiquent une autonomie au nord Mali n’ont pas encore confirmé leur venue. « Cette cérémonie est une farce » a même déclaré Mahamadou Djeri Maiga, vice président du conseil transitoire de l’Etat de l’Azawad et membre du MNLA. De même, la présence de la Coordination des mouvements de l’ Azawad (CMA) à la cérémonie n’est toujours pas sûre malgré les promesses faites au patron de la Minusma, Hamid Mongi, le 26 avril dernier par le président du MNLA, Bilal Ag Cherif qui s’était engagé à parapher l’accord d’Alger.
Des rebelles indécis
Face à ses hésitations, les cadres de la Minusma ont haussé le ton. Selon un membre du mouvement arabe de l’Azawad (MAA) interrogé à la sortie d’une audience avec le chef de la Minusma le 26 avril à Nouakchott, les nations unies pourraient réclamer le gel des biens des membres de la CMA et des restrictions de déplacements pour les leaders du mouvement s’ils refusent de signer.
Du côté des milices d’autodéfense maliennes qui participent aux accords d’Alger, on accuse les mouvements indépendantistes de freiner la signature sans proposer d’alternative viable. Hamma Ag Mahmoud, ancien chargé des relations extérieures du MNLA et ancien ministre de la fonction publique sous Moussa Traore pointe par ailleurs le manque de légitimation des revendications indépendantistes : « Les mouvements sont restés toujours avec leur rêve d’autonomie alors qu’aucun cadre n’a pu apporté devant les experts de la médiation des arguments valables pour justifier leur projet d’autodétermination » relève-t-il. Et d’ajouter, « toutes les négociations d’Alger ont été lancées sur les bases de l’accord préliminaire du 18 Juin 2013 fait à Ouagadougou sous la médiation de l’ancien président du Burkina Faso Blaise Compaore. Les mouvements rebelles avaient signé la reconnaissance de l’intégrité territoriale du Mali, sa constitution, sa forme républicaine et laïque. Ils doivent être cantonnés, désarmés et transformer les mouvements armés en parti politiques ».
« L’EMIR DU MACINA »
Le « front de libération du Macina » est un mouvement radical peul qui a fait son apparition fin décembre 2014. A cette époque, il lance une série d’attaques sur les positions de l’armée malienne à Nampala dans la région de Segou à une trentaine de kilomètres de la frontière mauritanienne. Ce groupe est dirigé par Hamadoun Kouffa, surnommé « l’émir du Macina ». Ce prêcheur radical peul originaire de la région de Mopti fut l’une des têtes pensantes de l’attaque de Konna par les groupes djihadistes en 2013 qui a précipité le lancement de l’intervention militaire française Serval. Les autorités maliennes et les populations locales l’accusent de s’être lié aux intégristes d’Ansar Eddine en 2012 lors de l’occupation du nord Mali par les mouvements jihadistes. Des sources peuls locales affirment que 33 marabouts de la région de Mopti proches de Hamadoun Kouffa avaient été tués et jeté dans les puits par l’armée malienne au début de l’opération Serval en janvier 2013.