En signant l’achat de vingt-quatre Rafale avec Paris et en accueillant François Hollande à Riyad, les puissances sunnites du Golfe (Qatar et Arabie saoudite) cherchent un nouvel appui occidental pour contrebalancer le rapprochement entre Washington et Téhéran. Un positionnement qui, sur le long terme, pourrait couter cher à la France au Proche-Orient.
« La France est un pays fiable » avait déclaré le président français juste après la signature d’un contrat de plus de 6 milliards d’euros portant sur la vente de 24 Rafales et la formation d’une centaine de pilotes et de mécaniciens Qataris. François Hollande s’est envolé à Ryad pour recevoir l’honneur ultime : assister à une réunion du Conseil de coopération du Golfe, ce sous-sous machin aurait dit le Général de Gaule. Il est vrai que la France est le seul pays occidental à être invité à ce conseil régional. Entre le voyage d’affaires et le voyage de noces, la virée de François Hollande dans les pétromonarchies est présentée comme un exploit unique de la diplomatie française. La réalité est plus complexe car pour les rois des pays de l’or noir, la France serait le pays « faible » pourtant membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. En effet, en achetant des Rafales, les pétromonarchies achètent surtout la complicité de la France. Et ce à bon marché car la chute de 20% de l’euro par rapport au dollar rend attractif les Rafales et autres produits made in France. Il s’agit plus d’un mouvement d’humeur contre les Etats-Unis qui se rapprochent de l’Iran, véritable puissance régionale dotée d’une épaisseur civilisationnelle.
La France en porte-à-faux
Entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis s’est installé un dialogue de sourds. « Coupez la tête du serpent », révélés par Wikileaks, ces propos tenus par le roi Abdallah Bin Saoud à Washington même, en mars 2009, montrent la peur des Saoudiens suscitée par le nucléaire iranien. Le roi Abdallah ajoute : « on ne peut pas faire confiance aux Iraniens ». La réponse américaine est tardive mais claire. Le président Barak Obama déclare au New York Times daté de ce 6 Avril : « la plus grande menace sur les états du Golfe vient de l’intérieur de leurs pays et non de l’Iran ». C’est dire que l’annonce faite à Lausanne le 2 avril au soir, concernant un accord provisoire entre les 5+1 et Téhéran sur le nucléaire iranien. Le 12 mai prochain reprendront les négociations sur le nucléaire iranien, tout porte à croire que la diplomatie française sera encore plus intrangisante à l’égard des Iraniens.
Quelle qu’on soit l’issue de ces négociations, il est clair que le monde arabe, déchiré par une guerre de religion entre les Chiites et les Sunnites, sera à moyen terme encadré par les trois puissances régionales non arabes : Israël, la Turquie et l’Iran. Au moins deux de ces pays en veulent à la France. En tête la Turquie, plus que froissée par la présence française à Erevan, pour la commémoration du génocide arménien. Reste à savoir comment la France maintiendra des relations équilibrées entre Israël et les pétromonarchies qui ne pourront se libérer complètement de la tutelle américaine. Il n’y aura jamais de souveraineté sécuritaire des pays du Golfe vu le poids militaire américain dans cette région.
Le deal pétrodollars contre principes n’est pas viable à terme. La France soutient l’opération tempête décisive au Yémen où des enfants meurent sous les bombes saoudiennes. Pour rappel, le Qatar est le premier pays à dénoncer l’opération Serval au Mali, ce pays où le Qatar a livré des armes aux djihadistes. Daesh est l’enfant adultérin du couple Arabie Saoudite-Qatar. Sans oublier les rançons payées par le Qatar aux preneurs d’otages en Afrique. En attendant François Hollande signe des contrats en rafale.