Le 31 décembre, le président gabonais Ali Bongo a promis de créer 10 000 emplois nouveaux par an. De la poudre aux yeux, selon l’économiste Mays Mouissi
Présentée comme la principale annonce des voeux d’Ali Bongo, la promesse de créer 10000 emplois était déjà contenue dans le Plan de relance de l’économie (PRE). En effet, le PRE, prévoyait la création de 30000 emplois entre 2017 et 20191, soit 10 000 emplois par an . Ainsi, cet engagement était déjà valable pour l’année 2017 qui vient de s’achever sans que le gouvernement ne soit parvenu à créer plus de 2000 emplois- soit moins de 20% de réalisation.
Echecs à répétition
Par ailleurs, l’engagement de créer10 000 emplois par an, aussi ambitieux qu’il puisse paraitre, est en réalité une révision à la baisse des engagements pris par le président gabonais devant la nation en matière de création d’emplois. En effet, la promesse initiale en la matière était de créer 20 000 emplois par an. Ali Bongo l’avait réaffirmé dans un discours solennel prononcé le 11 février 2016 à la zone économique spéciale de Nkok, dans la moyenne banlieue de Libreville. Ainsi, l’exécutif gabonais multiplie-t-il les annonces en matière de création d’emplois sans pour autant parvenir à les traduire en actes concrets fragilisant, de fait, la parole publique.
Si l’on se base strictement sur les chiffres de l’emploi tels que déclinés dans le Tableau de bord de l’économie gabonaise, le Gabon comptait fin 2016 199374 emplois, dont 108150 dans le secteur public et 91 224 dans le secteur privé. Le secteur public demeure donc le principal employeur du pays. Or le gouvernement n’est parvenu à créer que 653 emplois en 2015 avec une croissance économique de 3,3% et a même assisté à la destruction de 517 emplois quand la croissance est passée à 2,3% en 2016. Selon le FMI, la croissance économique au Gabon en 2017 n’a été que 0,8% et le gouvernement.
Des voeux pieux
Une analyse fine des données de l’emploi au Gabon permet de constater qu’entre 2014 et 2016, les emplois se sont principalement créés dans le secteur public. Ainsi 897 emplois ont été créés dans l’administration publique (+1%) en 2016 alors que le secteur privé détruisait 1414 emplois la même année (-1,3%). Or pour faire face à la baisse des ressources publiques, le gouvernement gabonais a choisi d’appliquer un plan d’austérité dont l’une des mesures est le gel des embauches dans l’administration publique hors secteurs prioritaires (éducation et santé). L’hypothèse d’une création de 10 000 emplois nets au niveau national en 2018 reviendrait faire porter les créations des emplois annoncés quasi exclusivement au secteur privé alors que le secteur primaire et la soustraitance pétrolière sont sinistrés par la crise.
En outre, les mesures d’accompagnement annoncées pour favoriser les créations d’emplois comme l’exonération des charges sociales n’ont qu’un effet de levier limité sur les principaux secteurs qui structurent l’économie du Gabon. C’est particulièrement vrai dans le secteur primaire où la véritable variable d’ajustement des emplois est le prix des matières premières à l’international. Si les cours du pétrole et/ou du manganèse sont bas, ni les compagnies pétrolières ni les compagnies minières n’embaucheront massivement même avec les exonérations les plus généreuses.
L’agriculture en berne
L’un des secteurs sur lequel le gouvernement pouvait compter pour parvenir à ses objectifs de création d’emplois est le secteur agricole. Dans ce secteur, l’exonération des charges sociales pourrait avoir un impact sensible sur les politiques de recrutement des grands agriculteurs désireux d’accroitre leurs productions.
Au cours du premier quinquennat d’Ali Bongo, la multiplication des investissements du groupe OLAM en a fait le premier employeur privé du Gabon. Ce groupe, devenu omniprésent compte environ 8 000 salariés. Mais les principaux projets d’OLAM ont atteint leur maturité et disposent d’un niveau d’effectifs suffisants pour être pleinement opérationnels. P
our créer massivement de l’emploi, reste donc le programme GRAINE. Celui-ci va être relancé grâce à un financement extérieur de 64 milliards de francs CFA . Cependant, les résultats décevants de ce programme laissent perplexe. En effet, lors de son lancement en 2014, Ali Bongo en avait défini les objectifs : créer entre 15000 et 20000 emplois, mettre en exploitation 200 000 hectares en 5 ans, tracer 3000 km de pistes d’accès aux plantations, autonomiser 30 000 familles grâce aux coopératives impliquées dans le projet.
Quatre ans plus tard, aucun de ces objectifs n’a été atteint.