La dernière humiliation subie par le recteur Dalil Boubakeur, qui n’a pas été reçu aux voeux d’Emmanuel Macron, aiguise les appétits au sein de l’Islam de France.
Le sémillant Abdallah Zékri, pas vraiment un perdreau de l’année, espère tirer son épingle du jeu dans la confusion qui règne aujourd’hui dans l’Islam de France. L’éclectisme de ce vieux routier des relations franco-algériennes montre une échine particulièrement souple, gage d’une carrière brillante. Cet ancien partisan de la France pendant la guerre d’Algérie n’a pas hésité à devenir un des cadres de l’Amicale des algériens à Paris avant d’être nommé porte-parole du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), l’assemblée qui représente l’Islam de France auprès des pouvoirs publics français… Et cela après avoir été un des animateurs du mouvement de contestation des berbères du M’zab, qui explique sa présence voici quelques années dans les manifestations devant l’ambassade d’Algérie.
Or la surprise, la voici. L’ambassadeur d’Algérie à Paris, Mohamed Masdoua, a accepté de recevoir ce représentant du CFCM, début janvier, à la demande d’Alger. Traditionnellement, les officiels algériens se méfiaient du parcours fluctuant de l’ami Zekri. « Nous avons fait un tour d’horizon avec l’Ambassadeur, explique Abdallah Zékri interrogé par Mondafrique, et ce n’est pas la première fois ». Et d’ajouter: « mais nous n’avons jamais évoqué la situation de la Mosquée de Paris ». Vraiment? Le délégué de la Mosquée qu’il est et le proche de Boubakeur qu’il reste aurait omis de parler de l’essentiel?
Alger à la traine !
Le branle bas de combat s’explique par la situation de l’Islam de France qui en train d’échapper à l’emprise algérienne. L’actuel président du CFCM est un turc, Ahmed Ogras, protégé par un président d’honneur marocain, Anouar Kebibech. Lequel Ogras, dans une ambiance délétère, est présenté par l’entourage d’un Boubakeur amer comme proche du président turc Recep Erdogan. Ce qu’il n’a jamais été ni de près ni de loin.
Autre signe d’un vent mauvais qui souffle sur la Mosquée, les visiteurs du soir qui ont l’oreille de l’Elysée, le banquier franco tunisien Hakim Karoui, combattent l’influence algérienne sur l’Islam de France. Ne serait-ce que pour libérer quelques sinécures à leur profit.
La recette telle qu’Abdallah Zekri l’a exposée au représentant du pouvoir algérien à Paris est simple. Nommez-moi, a-t-il plaidé, à la place de Mohamed Ounoughi, gradé de l’ex DRS (services algériens) et tout-puissant « Directeur de l’Administration Générale» de la Mosquée de Paris. Le poste est enviable et fort bien rémunéré. Nommé à de telles fonctions, Zékri croit pouvoir seconder son ami Chemseddine Hafiz, l’avocat à la fois de la Mosquée, de l’ambassade d’Algérie, d’Air Algérie, qui rêve, depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy, à la succession de Dalil Boubakeur.
Une vieillesse française
Pour beaucoup en effet, les jours de Dalil à la mosquée de Paris paraissent comptés depuis son absence la cérémonie des « vœux pieux » à l’Elysée. Le principal mérite de Boubakeur et sans doute le seul était en effet d’être jugé par la classe politique française comme un musulman comestible. Autre indice d’un départ imminent, la Société des Habbous qui gère la Mosquée de Paris dans la plus grande opacité, aurait voté une motion en forme de lot de consolation. Le recteur Boubakeur s’en irait contre un « golden parachute » de trente mois de salaire, un joli pactole.
Abdallah Zékri, qui va souffler ses 80 bougies et et qui est donc plus âgé que Dalil Boubakeur, se croit, légitime. Or toute promotion de cet ancien partisan de l’Algérie française sèmerait le trouble et risquerait de couper plus encore la Mosquée de Paris de l’immense majorité des Musulmans de France.
Sans parler des méfaits de la gérontocratie face à la jeunesse musulmane des quartiers périphériques sous l’influence d’associations islamistes, voire salafistes, fort dynamiques.