La nostalgie des pieds noirs espagnols

On connaît mal le destin des pieds noirs espagnols, contraints à l’exil après l’indépendance de l’Algérie en 1962. Le roman de Maria Dueñas, raconté à la première personne, met en lumière un épisode peu connu à travers le personnage de Cecilia Belmonte, une jeune Espagnole en fuite à cause d’un crime involontaire.

Une chronique de la revue « Books » qui nous autorise à reprendre ce texte

Elle débarque à Oran dans les années 1920, sous un faux nom, avec pour tout bagage une détermination farouche de survivre. Soumise à des travaux ardus et ingrats, forte de son audace et de sa ténacité, elle devient une entrepreneuse accomplie. Au fil de ses aventures et de ses épreuves, on rencontre ses amis, ses associés, ses amours éphémères, un mari violent et sa relation tumultueuse avec l’homme de sa vie. 

María Dueñas peint avec une sensibilité rare les saveurs, les odeurs, les couleurs de la Méditerranée, ce carrefour où se croisent et s’affrontent les cultures espagnole, française et arabe. Le chapitre qui raconte son accouchement difficile dans le trou où vivaient les lavandières à Sidi Bel Abbès et la chaîne d’entraide qui se met en place entre elles est remarquable.   

« Le roman aborde l’exil, l’identité et la résilience, avec une critique sous-jacente de l’impérialisme français qui s’effondre comme un château de cartes » souligne l’écrivain Andrés García Pérez-Tomás dans la Revista Cervantes. « Dueñas ne prêche pas, elle montre, et c’est ce qui compte.

Le titre lui-même – Por si un día volvemos (« Au cas où nous reviendrions un jour ») – est un clin d’œil ironique à cette nostalgie qui nous ronge de l’intérieur. Il y a un symbolisme subtil, comme la mer Méditerranée qui unit et sépare les cultures, un pont brisé qui évoque les diasporas espagnoles de l’après-guerre.

En 2025, où les migrations font toujours l’actualité, ce roman pique comme du sel sur une plaie, remettant en question les héritages coloniaux sans tomber dans le pamphlet. »

 

Trois romans de María Dueñas sont déjà parus en français : SoledadL’Espionne de Tanger et Sira, le retour à Tanger (Points Seuil).

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)