Le face à face dramatique en 2026 entre les djihadistes et les juntes au Sahel

On devrait assister au Sahel en 2026 à une confrontation de plus en plus dure entre les groupes djihadistes et les juntes militaires au pouvoir au Sahel. La surprise vient de ce que ces régimes militaies sont sont désormais soutenus en coulisses par certains régimes en place depuis des décennies avec la bénédiction des Français comme celui du Togo, où le Président  Faure Gnassingbé se livre, selon notre chroniqueur, à « de périlleuses acrobaties »

Note chroniqueur, L’archer d’ébène

L’aventure sans lendemain du Lieutenant-colonel Pascal Tigri au Niger

Durant la tentative de mutinerie, qui eut lieu au Bénin, la junte nigérienne décida d’ouvir là nouveau a frontière avec le Bénin  fermée à la suite d’une décision unilatérale de Niamey. Mais  quelques heures après, le rêve se dissipa ! La double intervention du Nigéria et d’une unité des Forces spéciales françaises antérieurement en charge de la formation, jugula l’aventure du Lieutenant-colonel Pascal Tigri.

Réputé admirateur du Capitaine burkinabé Ibrahim Traoré, le putschiste contrarié aurait trouvé refuge à Ouagadougou, en passant par Lomé au Togo, désormais capitale de l’ambivalence. Tantôt ami de Poutine, de l’Occident ou relais du credo de l’AES qui regroupe les nouveaux pouvoirs sahéliens, le maître des horloges de cette nouvelle Afrique, Faure Gnassingbé, héritier d’une dictature familiale, se livre à des périlleuses acrobaties. Jihadisme aidant, la prochaine vague de factieux, pourrait l’emporter.

Grosse frayeur

La fin de l’année renoue avec la jurisprudence des changements anti constitutionnels. La pathologie résulte de mandats sans limitation, de gestion néo patrimoniale de l’Etat et/ou de fraude dans les urnes. La politisation des dispositifs de défense nationale arrive rarement ex-nihilo. Au centre de la diversité des contentieux, se conjugue, en permanence, un duo de causalités favorables à la tentation de la table rase : La privatisation des prérogatives et du cachet, les atteintes au pluralisme partisan et l’extension de l’insécurité demeurent les arguments souverains du coup d’Etat sous les tropiques.  Au lendemain de l’auto-dissolution postélectorale à Bissau, le Bénin, s’apprêtait à choisir un nouveau président, moins d’un semestre plus tard. Or, l’échéance a été verrouillée, à l’avantage du dauphin de Patrice Talon, afin de lui épargner le hasard d’une défaite.

En septembre 2023, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont décidé de créer l’Alliance des États du Sahel (AES), un pacte de défense commune pour faire face aux menaces extérieures. Cette initiative est née en réaction à la menace d’une intervention militaire de la CEDEAO, après le coup d’État de juillet 2023 qui a renversé le président nigérien Mohamed Bazoum.

La mise à l’écart des opposants avant le vote est une trouvaille ingénieuse de la démocrature : Le procédé permet de « sécuriser » le jeu, d’en élaguer l’aléa, l’occasionnel. Vaine et périlleuse précaution si l’embûche surgit ailleurs. La tentative avortée au Bénin procure des sueurs froides à la plupart des leaders de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Ils y ont entrevu le danger d’une contagion, déjà à l’œuvre depuis l’évènement d’une série de régimes d’exception dans l’espace du Sahel central. La République de Guinée (septembre 2021) suivra la tendance tandis que le Gabon (août 2023) rejoignait la liste ouverte. La réaction calibrée de la Cédéao au Bénin correspond à un sursaut dicté par l’échec du dessein d’expédition militaire de juillet 2023, en vue de rétablir le Président déchu du Niger, Mohamed Bazoum. Les répliques concentriques de la secousse continuent d’opérer à temps différé, en lenteur et profondeur.

La dictée de la nécessité

Aussi, l’Organisation cessait de susciter la peur et portait les stigmates de son discrédit, auprès des populations et des puissances alliées. Ainsi, elle perdait-elle l’essentiel de ses facultés de dissuasion.  Sous peine de l’effilochage garanti, il lui fallait envoyer un signal univoque et se préserver d’une nouvelle pandémie de treillis en train d’ânonner le communiqués numéro1, sur les écrans de télévision. A rebours de la pièce de théâtre de Samuel Beckett où Godot ne vient jamais, la fameuse Force en attente de la Cédéao prenait soudain corps et donnait du canon.

Pourtant, au début de novembre, l’Union africaine (Ua), à la demande du Président du Ghana, se retrouva à deux doigts d’adopter la reconnaissance d’une Aes distincte de la Cédéao. De surcroît, le texte réclamait la levée des sanctions contre l’ensemble des pays sous administration prétorienne. Au prétexte de mieux contenir la progression du jihadisme, les promoteurs de l’essai du grand pardon raisonnaient, d’emblée, en termes de pari sur une victoire, hautement invraisemblable. Le projet de déclaration, d’ailleurs étouffé au Siège de la Commission de l’Ua en Ethiopie, prévoyait l’exonération ensuite l’adoubement des braqueurs de légitimité. De facto, il recelait un encouragement de taille aux apprentis putschistes (lire https://mondafrique.com/international/le-ghana-tente-un-compromis-entre-lunion-africaine-et-les-juntes-militaires/?_). Le mois d’après, voici les récateurs, en majorité des civils, pris à leur piège !

L’on notera, qu’aux prémices du bouleversement à Cotonou, les fameuses Brigades d’intervention de la communication (Bic) du Burkina Faso inondèrent la toile d’annonces d’une adhésion imminente du Bénin à l’Aes. Certains, non dépourvus d’imagination stratégique, se réjouissaient de l’accès futur à un débouché d’approvisionnement et d’exportation, grâce aux infrastructures d’un débarcadère sur le littoral atlantique. Le panafricanisme francophone allait, enfin, conquérir son port d’attache, libéré de la domination de l’Occident, en particulier de la France. La déconvenue fut de taille : A l’inverse du Gabon durant la chute des Bongo, aucune marche spontanée n’accueillit, à Cotonou, la promesse de l’équité au bout du fusil. A Tchaourou (centre), fief de l’ex-Président Thomas Yayi Boni et dans des localités comme Malanville et Kandi où résident beaucoup de commerçants Nigériens (nord), il y eut, certes, des concerts de klaxons, de brefs défilés de motos et des cris de joie à l’intérieur de cours communes mais l’enthousiasme retomba assez vite.

Ce Coup d’État raté qui fragilise Patrice Talon, le président du Bénin

Cependant, la réussite du parapluie militaire de la Cédéao au Bénin ne préjuge, en rien, de la viabilité d’institutions souvent vidées de leur substance par des clans cleptocratiques qui trichent, pillent et intimident. Des dérèglements identiques vont survenir tant les grands équilibres de la sous-région tanguent. L’instabilité découle de logiques tribales de monopole du prestige et de la jouissance. A l’épreuve des faits, leur exercice, parfois primaire, s’avère déconnecté de l’impérialisme, en somme totalement endogène.

Les citoyens désabusés succombent au fatalisme et se mettent à espérer la salve salutaire. Le putsch, maladie africaine sous label de thérapie, remplit un vide, colmate des brèches et, en de brèves occurrences, rétablit un peu d’équité. Il finit, néanmoins, par reproduire les griefs consubstantiels à tout pouvoir non contenu.

Et ce n’est pas fini…

L’effervescence mondiale des crises, l’agonie du multilatéralisme, le narcotrafic, le blanchiment, l’impunité de la corruption, le terrorisme et les migrations de masse au cœur du Continent constituent, en dessous des apparences de la diplomatie, un cumul de vulnérabilités propices à l’anarchie. De tels facteurs d’incertitude esquissent une redéfinition des paradigmes de la science politique. Demain, le règne des officiers, à l’ombre des baïonnettes, redeviendrait la norme d’arbitrage et de régulation des convoitises à la tête de l’Exécutif. Adieu le suffrage universel direct ! L’on assisterait, alors, à l’un de ses tours de malice de l’histoire où des peuples, déçus des faux-semblants de scrutins dévoyés, cèdent aux sirènes de la démagogie et tombent, sous le joug d’une domination encore plus féroce et sans délai.

Le 9 décembre 2025, le Gambien Oumar Touray Président de la Commission de la Cédéao, l’avait compris. Il invitait, les gouvernements, à envisager leur conservation, en réflexe de survie : « Il est justifié de déclarer que notre communauté est en état d’urgence », rappelait-il. Pris en tenaille par le terrorisme, la désinformation et l’appétit mimétique de leurs armées, le petit syndicat des Chefs d’Etats rescapés s’apprête à restreindre la démocratie, du moins à tordre son maigre reliquat dans le sens de l’ordre et de la discipline. L’avènement d’un modèle de société civile en voie d’embrigadement préfigure des lendemains de pénurie pour les libertés en Afrique…La cadence des bottes résonne, partout au sud du Sahara. L’assurance martiale revient à la mode. Stupeurs et tremblements d’Amélie Nothomb ne manquerait de lecteurs barricadés en leurs palais qui guettent, anxieux, le moindre écho de pétard ou de pneu éclaté.