La galerie AFIKARIS à Paris accueille, du 6 novembre 2025 au 3 janvier 2026, la première exposition individuelle en Europe d’Eva Obodo, figure majeure de la scène contemporaine nigériane. Un dialogue poétique entre matière, histoire et mémoire africaine.

À Paris, la galerie AFIKARIS propose une plongée rare et puissante dans l’œuvre d’Eva Obodo, artiste nigérian qui expose pour la première fois seul en Europe. Intitulée « And We Hired a Carpenter to Patch the Cloth », cette exposition révèle une démarche singulière où le geste de tisser, d’envelopper, de lier, devient une métaphore profonde : recoudre les plaies de l’histoire et reconnecter symboliquement ce que le temps ou la violence ont fragmenté.
Né en 1963 au Nigeria, Eva Obodo vit et travaille à Nsukka, où il enseigne la sculpture à l’université. Héritier de la célèbre école de Nsukka, Obodo s’inscrit dans une tradition artistique moderniste africaine qui considère la matière elle-même comme un langage et un acte de résistance. Depuis 2008, il expérimente sans relâche le charbon, fil de cuivre et aluminium : des matériaux modestes, porteurs de mémoire et de sens, qu’il assemble, ficelle, transforme, pour leur conférer une force plastique et poétique inédite.
Son rapport à la matière est intime, presque charnel. Fils de mineur, Obodo a grandi à Enugu, une ville marquée par l’histoire douloureuse de l’extraction minière. Son père a survécu au massacre de 1949, lorsque les autorités coloniales britanniques ont tiré sur des mineurs nigérians en grève : un événement traumatique, souvent cité comme déclencheur du mouvement indépendantiste au Nigeria. En choisissant le charbon comme principal médium, l’artiste affronte cet héritage industriel, donnant à ses sculptures une profondeur à la fois personnelle et collective.
Le geste de l’artiste est répétitif, méticuleux. Dans son atelier, entouré d’assistants, Obodo trie, nettoie, purifie chaque fragment de charbon, qu’il lie ensuite à l’aide de fils de cuivre ou d’aluminium. Les œuvres, denses et vibrantes, révèlent des surfaces tissées, ponctuées de couleurs, de bandes d’acrylique, ou d’éclats de canettes recyclées. À travers cette patiente construction, Obodo transforme la matière brute en œuvres méditatives et organiques, où la répétition du geste rend hommage à la valeur du travail manuel et au temps long de la réparation.
L’exposition à AFIKARIS présente notamment Pickman, hommage aux mineurs d’Enugu et de toute l’Afrique, ainsi que Rush Hour, qui saisit la frénésie et le chaos des grandes villes du continent. Ces œuvres questionnent, sans didactisme, le coût humain et écologique de l’extraction des ressources naturelles, les séquelles du colonialisme extractif, la précarité du travail ou la déforestation. Mais elles ouvrent aussi un espace d’espoir, de survie, de renaissance : certains morceaux de charbon sont enveloppés comme des présents, gestes de soin et de préservation qui interrogent la mémoire, la transmission et la valeur.
Pour Obodo, chaque matériau possède un esprit, une capacité à raconter. La métaphore du raccommodage, au cœur de son travail, incarne cette philosophie : recoller, rafistoler, réparer — même de façon fragile et imparfaite — c’est déjà une forme de résistance et d’acte poétique face aux systèmes défaillants. Le titre de l’exposition, qui évoque l’absurdité d’engager un charpentier pour recoudre un tissu, souligne à la fois l’ironie et la créativité du quotidien africain : l’art de « patcher » pour avancer, malgré tout.
L’œuvre d’Obodo dialogue avec l’histoire, les drames et les renaissances d’un continent, mais aussi avec les questionnements universels sur la matière, le temps, la résilience et l’humain. Dans ses mains, le charbon, symbole d’exploitation, devient source de beauté, de mémoire et de méditation. Une exposition à découvrir absolument, pour qui souhaite comprendre ce que l’art contemporain africain a de plus singulier et de plus vibrant à offrir.
Informations pratiques
– Exposition : Eva Obodo, « And We Hired a Carpenter to Patch the Cloth »
– Dates : du 6 novembre 2025 au 3 janvier 2026
– Lieu : Galerie AFIKARIS, 7 rue Notre-Dame-de-Nazareth, 75003 Paris
– Horaires : mardi au samedi, 11h – 19h
– Entrée libre
– Plus d’informations : afikaris.com




























