Un casino ouvre aux Emirats Arabes Unis, une première dans le Golfe

Sous le titre  » Une nouvelle attraction aux EAU, les jeux d’argent », un article du « Financial Times » révèle que la célèbre entreprise américaine Wynn, de Las Vegas, va ouvrir un casino dans l’émirat de Ras al Khaima. Une transgression inédite : selon le Coran, les paris contre rétribution sont une « invention du diable ». Détail amusant, ce paradis fiscal héberge depuis 2018 une société appartenant à Dominique Strauss-Kahn : Parnasse Global Limited
 
Une chronique de Bruno Philip, ancien journaliste du « Monde »
 
Sur l’île privée d’Al Marjan, au large de Ras Al Khaimah, la tour de 70 étages du futur resort Wynn a atteint son 61ᵉ niveau. Le directeur général de Marjan, Abdulla Al Abdouli, confirme une ouverture en mars 2027.
Sur l’île privée d’Al Marjan, au large de Ras Al Khaimah, la tour de 70 étages du futur resort Wynn a atteint son 61ᵉ niveau. Le directeur général de Marjan, Abdulla Al Abdouli, confirme une ouverture en mars 2027.

 

Sur la rive d’une île artificielle de l’émirat de Ras al Khaima, le plus discret des sept des Emirats Arabes Unis ( EAU), se dresse le squelette d’un bâtiment qui va bientôt devenir un hôtel de grand luxe, avec galeries commerçantes et restaurants gastronomiques. Sur le site web du futur « resort », on lit que celui-ci sera une « destination d’opulence et de loisirs au bord de la plage ».

« L’oeuvre du diable »

 

 
Ni le site web de ce « Wynn Resorts complex », ni les autorités de Ras al-Khaimah n’annoncent l’inicible dans toute terre d’islam: l’hôtel abritera le premier casino du Golfe. On comprend cette discrétion : le Coran ne dit-il pas ( Sourate 5, verset 90) que « les jeux d’argent sont… l’œuvre du diable? » Ces recommandations coraniques ne vont cependant pas empêcher le projet de se réaliser et aucune controverse n’est venu pour l’instant ralentir la construction de cet hôtel de 1452 chambres pour un budget total évalué à plus de 5 MILLIARDS de dollars!… Ouverture prévue : 2027
 
La perspective d’un nouvel « enfer du jeu » établi sur les rivages paisibles de l’un des moins connus des émirats du golfe constitue donc une première. Car si d’autres émirats des EAU , comme Dubaï, permettent la consommation d’alcool, la vente de porc pour les non-musulmans et ferment les yeux sur la prostitution, interdite mais tolérée, les jeux d’argent restent quand même l’un des tabous les plus résistants et avec lequel il est le plus difficile de transgresser pour les responsables de ces monarchies pétrolifères musulmanes … Certes, les EAU ont créé en 2023 un organisme de régulation des jeux – mais sans utiliser le terme ‘jeux d’argent’-. Et, pour l’instant, seul le groupe Wynn de Las Vegas a obtenu une licence d’exploitation d’un casino. 
 
« Les responsables du projet insistent sur le fait que les paris ne représentent qu’une petite partie de l’offre du complexe [tandis que les partisans de l’établissement d’un casino] affirment que les jeux d’argent contribueront à diversifier l’économie, à attirer les touristes et à fidéliser les expatriés, qui constituent environ 90% de la population des EAU », écrit le grand quotidien de la city de Londres. Interviewé par le « FT », le PDG de Marjan, l’entreprise qui développe l’île artificielle et sera partenaire du projet d’hôtel-casino, a fait cette réponse des plus directes : « Je ne suis pas un imam », a déclaré Abdoullah al Abdouli ». Et d’ajouter: « On ne parle pas ici de ce qui halal ou de ce qui haram, on parle d’un secteur économique qui va vraiment apporter beaucoup à l’économie ». On ne saurait être plus franc.

Un PIB de 12 millards $

 
Ras Al Khaimah, qui n’a pas de pétrole et un taux d’emploi de 7% doit en effet compter sur les investissements étrangers pour progresser, à la manière de Dubaï ou d’Abu Dhabi. Le PIB annuel du petit émirat est « seulement » de 12 milliards de dollars, soit un tiers de celui de Dubaï ( 32,6 milliards de dollars pour le premier semestre de 2025…) Ce retard économique valait ainsi quelques concessions avec les saintes écritures. D’autant que le projet d’hôtel, même s’il n’est pas encore achevé, a déjà des conséquences sur l’économie locale de l’émirat de 400 000 habitants : le prix de l’immobilier a bondi, les activités de business en tout genre ont fleuri, des écoles pour rejetons russes et philippins des futurs employés se sont ouverts. 
 
Les experts remarquent qu’un tel projet n’aurait évidemment pas pu voir le jour dans l’Arabie saoudite voisine, les EAU étant connu par une permissivité réelle à l’égard des « vices » dénoncés par les textes coraniques et la sunna – qui regroupe les traditions et les pratiques du prophète Muhammad.
 
Et contrairement au voisin saoudien, la population des Emirats « est très diverse sur les plans culturels et religieux », observe Mohammed Baharoon, directeur général du Centre de recherches en politique B’huth, basé à Dubaï ; « de nombreuses personnes vivant à nos côtés pratiquent des coutumes qui sont les leur. » Ainsi, a-t-il ajouté à propos des jeux d’argent, « les légaliser permettrait d’empêcher qu’ils deviennent clandestin ». 

L’explosion des paris illégaux

Le Président chinois Xi Jinping avec MBZ qui rêgne sur les EAU
Le Président chinois Xi Jinping avec MBZ qui rêgne sur les EAU
 
Les EAU ont effet eu des soucis avec la prolifération de paris illégaux, notamment de la part du crime organisé de la diaspora indienne, les gens du sous-continent représentant un pourcentage considérable dans les Emirats. Ces  paris concernaient les matchs de cricket et un scandale  avait éclaté à ce propos dans l’émirat de Sharjah dans les années quatre vingt dix. On parle maintenant de ce même genre de pratiques entre les mains de gangs … chinois. En août de cette année, le ministre de l’intérieur a annoncé qu’un ressortissant de Chine populaire a été arrêté pour avoir créé des « sites de paris illégaux ». 
 
Jusqu’à présent, les ressortissants fortunés des EAU n’hésitaient pas à aller à Londres ou Monaco pour se livrer à leurs turpitudes favorites sur les tapis verts. Des croisières sont même organisées au large des côtes de Dubaï et, dès que des sortes de ‘bateaux casinos’ ont gagné le large et navigue dans les eaux internationales, les croupiers font tourner les roulettes. Désormais les accrocs au jeu pourront donc miser à la maison. 
 
 
 
 
 
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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)