Sahel, l’exode tous azimuts

L’insécurité chronique au Mali poursuit son essor, avec l’apparition simultanée de deux foyers de déplacement massifs de populations, hors du territoire, respectivement vers la Côte d’Ivoire et la Mauritanie, deux espaces bientôt submergés, qui hébergent, déjà des dizaines de milliers d’infortunés, au risque d’y compromettre une part de leur stabilité. D’ailleurs, paradoxe tragique, le Mali continue d’abrite les vagues de rescapés des affrontements au Burkina Faso.

https://t.me/veillesah/576

Au sud du Mali, de nombreux résidents des villages autour de Loulouni cherchent, en catastrophe, un havre de répit d’abord dans la ville de Sikasso, avant d’envisager l’exil. Ils tentent d’échapper à la virulence et à l’imprévisibilité de la belligérance sans arbitrage entre les milices de chasseurs Donzos acquises à Bamako et les combattants du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsim-Alqaïda). Les deux disposent désormais d’équipements létaux en abondance d’où le choc tempétueux de leur dissentiment. Hier munis de pétoires et d’amulettes magiques, les partisans du pouvoir central, dotés par lui, ont pu obtenir les outils de l’autodéfense, longtemps réclamés, sans succès. Néanmoins, le rapport des forces ne tourne à leur avantage. Souvent seuls à essayer de contenir l’insurrection islamiste, les Donzos, protègent une identité, une culture et un mode de vie, afin de conjurer la menace, non exagérée, de l’extermination. Ils se battent contre d’autres autochtones plus résolus à la victoire, sous la bannière de Dieu et mieux aguerris à l’exercice de l’asymétrie. Ceux-là manient le talkie-walkie, l’internet satellitaire, le drone kamikaze, l’engin explosif improvisé (iee) et le lance-roquette. Que nul ne s’y trompe, à présent, il s’agit d’un conflit civil, à l’abri du droit. Se déroule, dans la savane, une lutte à mort dont la polémologie résume les excès et le degré de mobilisation par l’expression « guerre totale ».  Ici, loin du scrupule et de la retenue que suscite le regard extérieur, les bavures sont la règle, les représailles un moteur d’agressivité et la paix un non-sens.

 

Au sommet de l’hospitalière terre de Côte d’Ivoire, le Conseil national de sécurité (Cns) commence à comprendre la portée de l’afflux en cours. Le pays devient la destination du salut. Au terme de sa réunion du 13 novembre, en présence du Président Alassane Ouattara, l’instance décide de « prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de l’enregistrement de ces demandeurs d’asile ». Depuis deux ans, la Côte, convient-il de le souligner, accorde secours et dignité, sur fonds propres, à environ 100 000 personnes ayant déserté le périmètre des affrontements. A Niornigué, bourgade naguère d’à peine quelques habitants, sise à la périphérie du poste-frontière de Ouangolodougou, un centre d’accueil, construit en dur, sert de point de chute à des centaines de familles burkinabè et leur nombre ne cesse de croître. Le chiffre global devrait connaître des pics de hausse soudaine durant les semaines à venir.

Léré, fuir la barbarie

De l’ensemble des points de passage en provenance du Mali, afflue une procession ininterrompue de femmes, d’enfants et surtout de vieux, pas toujours natifs de Léré. Ils échouent, là, à partir du grand Ouest, comme repus de fatigue et à bout de volonté. Ils arrivent à Gorgui Zemal, Fassala Néré, Bassiknou, Adel Bagrou et Bousteila, surchargé de ballots informes où l’on devine, couvertures, vivres et quantité d’ustensiles de cuisine. Or, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (Hcr), en état d’asphyxie au camp de Mberra, n’a plus les moyens de sa vocation. Il s’appuie sur le Croissant rouge mauritanien (Crm), lequel ne dissimule la modicité de ses ressources. Quant à l’effectif des arrivants, les informations disponibles tiennent encore de l’approximation. Certes, les services en charge ne manquent d’expérience après le précédent de 2012 mais la mesure comptable butte sur le déficit de personnel motivé et de matériel informatique en capacité d’adaptation aux aléas du désert. Les besoins immédiats demeurent l’approvisionnement en eau, les compléments alimentaires et les soins d’urgence. Quant à l’assistance psychologique, le sujet fait sourire les correspondants de Veille sahélienne tant il paraît luxe de l’hémisphère nord. Pourtant, parmi les nouveaux venus, une majorité relate le traumatisme de la terreur. Presqu’en chœur, certains disent craindre, davantage, les exactions des Forces armées maliennes (Fama) et de leurs supplétifs russes, que la justice expéditive des jihadistes. La comparaison, embarrassante, témoigne de la difficulté à rendre compte d’une explication sans observateurs ni caméras où le soldat, le milicien, le militant armé, l’assaillant et la victime, racontent, chacun, une bribe de vérité.

« Le Mali, un pays frère »

Pressé par ses compatriotes qui se plaignent de tracasseries au Mali, le Président Mauritanien, lors d’une visite de proximité dans les régions proches de la frontière Est tint, le 10 novembre, à rappeler le principe du voisinage : « Le Mali restera un pays frère, on doit les aider autant que faire se peut, nous devons supporter au maximum leurs agissements qui sont souvent tributaires de cette situation. Nous devons rester compréhensifs à leur égard. Le voisinage est une réalité géographique qu’on ne peut pas changer, les crises passent et disparaissent. On ne peut en aucun cas oublier ce que nous accordaient nos frères maliens en temps de paix, ils nous ont toujours traités avec beaucoup d’amitié et de générosité. Aucun citoyen mauritanien n’a été inquiété ni maltraité avant cette crise que nous espérons passagère ». Et d’ajouter, en guise d’avertissement : « Nous devons rester compréhensifs. Les pays voisins ne peuvent pas déménager. Les crises apparaissent et disparaissent. Mais les pays restent »

Références

Carte Afrique de l’Ouest : https://t.me/veillesah/579

1 Communiqué du Cns Côte d’Ivoire : https://t.me/veillesah/580

1 Vidéo oraison du Président mauritanien, doublée en Bambara et sous-titrage Français : https://t.me/veillesah/581