Aujourd’hui, le Kremlin ravale la devanture d’une diplomatie brutale qui laisse les mercenaires de Wagner s’imposer par la force et la conjugue avec les instruments de la nouvelle communication de masse qui passe par la culture, l’enseignement et la déclamation des poêmes d’Alexandre Poutine.
Un article de « Veille Sahélienne »
https://t.me/veillesah/526
Dans les quartiers de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, aux nouvelles alarmantes du front, se mêlent, à présent, les voix d’enfants qui déclament, en russe, des poèmes du grand Alexandre Pouchkine. Le plateau, encadré par la « Maison Russe », avec le soutien de l’ambassade éponyme, ne relève d’une activité éphémère. Il s’agit, plutôt, d’une séquence d’un tableau stratégique plus vaste, soigneusement peint par Moscou pour raviver son audience en Afrique.
La Maison Russe dépasse les ambitions d’une vitrine vouée à vanter les attraits touristiques du pays. Elle constitue le joyau du « Centre de diplomatie publique » (Cdp), une organisation à but non lucratif qui se prévaut de cultiver le lien par la culturel et l’enseignement, entre la Fédération et le reste du monde. Centre de diplomatie publique (Cdp), https://t.me/cndmoscow
Or, derrière la façade d’échange de savoirs et de célébration festive se déploie un patient effort d’influence où transparaissent les calculs et les ruses de la Guerre froide, lorsque Moscou soutenait les mouvements de libération et accueillait les futures élites dans ses universités.
Alors que les enfants de Ouagadougou rivalisaient en psalmodies de vers dont ils ne comprenaient un traître mot, une délégation d’entrepreneurs du Burkina Faso participait, depuis Moscou, au «Forum International de l’exportation made in Russia ». Le mélange des genres caractérise le grand retour de la Russie au cœur du Continent. Pourquoi pas ? Du côté de la Chine populaire, les instituts Confucius s’essayent au genre, même si le succès n’est pas encore au rendez-vous. Pékin fascine mais ne parvient à stimuler le rêve.
Des formations intéressées
In fine, le discours des responsables russes affiche une vision moins empreinte d’idéologie que pragmatique. Certes, souligne Nataliia Krasovskaia, Directrice du Cdp, la Russie revendique le statut d’«allié fiable » des États d’Afrique, pour la « défense de leurs intérêts nationaux ». Cependant, la faveur ne va sans conditions. L’accent est davantage mis sur les atouts du «secteur extractif», où – à titre d’exemple – le Niger et le Burkina Faso manquent de personnel qualifié et d’infrastructures. Quelle solution propose Moscou ? L’éducation.
Le nombre d’étudiants du Niger et du Burkina Faso au sein d’écoles russes a quintuplé. Mieux, une partie d’entre eux bénéficie, désormais, d’un « programme de recrutement ciblé », sous financement de leur prochain employeur dès la fin du cycle. Le Société nigérienne du pétrole (Snp) se place à l’avant-garde des sponsors en attente de retour sur investissement. Le mécanisme de mutualisation assure, non seulement, la loyauté de cadres dirigeants envers la destination d’accueil mais lie, le développement africain, aux visées commerciales de la Russie. Les initiatives de moyen terme, comme l’« Institut russo-africain » et l’ouverture de « classes d’ingénierie » au Sahel, contribuent à approfondir la prégnance du modèle et finiront par asseoir une forme insidieuse de coopération qu’est la dépendance technique.
Telegram l’artère vitale du renom
Au service du projet impérial de redéploiement, l’application Telegram joue le rôle de vecteur. La chaîne du Cdp, disponible se charge de diffuser le récit. Dans un monde où les plateformes occidentales sont parfois perçues avec méfiance et hostilité, Telegram, support aux racines russes, offre un canal direct et, ironie du sort, exempt de censure. Ainsi, permet-elle d’atteindre le public et les lettrés de l’Afrique. Moscou peut alors contourner les média traditionnels et diffuser son message sans les entraves de la modération et ni le scrupule du recoupement.
L’appétence de certains Africains aux alternatives à l’impérium occidental procède d’un ressenti palpable. Passé le constat, la question se pose : la Russie représente-t-elle un partenariat sincère à la prospérité du Continent ou tente-t-elle de remplacer une hégémonie par une autre, plus astucieuse ? Le spectacle sympathique d’enfants qui récitent Pouchkine, les voyages de capitaines d’industrie à Moscou et les bourses d’apprentissage liées à l’avenir de l’exploitation des hydrocarbures et des mines fournissent une esquisse de réponse : Moscou, capitalise sur l’héritage soviétique, afin de construire un nouveau réseau de clientèle, pas forcément moins contraignant que l’original, même quand il met en scène l’innocence et les mots doux.
Une certitude, l’offensive de charme poétique éludera les figures d’Ossip Mandelstam et d’Anna Akhmatova, les chantres de la liberté contre les impostures du Kremlin.
Références
1 capture d’écran oraison Natalia Krasovskaia, directrice du Centre, au dialogue russo-africain des matières premières, Saint-Pétersbourg, 29 octobre : https://t.me/veillesah/530
1 vidéo concours de récitation de poèmes, Ouagadougou, publication du 2 novembre : https://t.me/veillesah/531




























