Présidentielle ivoirienne, la marche de l’opposition de ce 11 octobre est interdite

Ce vendredi 10 octobre s’ouvre officiellement la campagne pour l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. La nouvelle est tombée comme un couperet: le préfet d’Abidjan interdisait la marche prévue par l’opposition ce 11 octobre! L’activiste Pulchérie Gbalet dénonçait une mesure «  anticonstitutionnelle et illégale. » et en chœur l’opposition maintenait sa mobilisation. 

Entre incertitudes, stratégies d’appareil, tensions et inquiétudes au sein de la population, ce scrutin s’annonce comme une équation à multiples inconnues.

Correspondance Abidjan

Dès le samedi 11, le ton sera donné : le président sortant Alassane Ouattara tiendra son premier meeting à Daloa. Le choix de cette ville située dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire n’est pas innocent, elle se trouve en plein cœur du pays bété, un fief de l’ex-président Laurent Gbagbo. Le même jour, le Front commun, alliance des deux plus grands partis d’opposition, PDCI et PPACI, organise une marche à Abidjan et dans toutes les grandes agglomérations du pays. Deux événements, deux mondes, et un premier test grandeur nature.

Le 11 octobre, une journée décisive ?

Pour Alassane Ouattara et ses équipes, ce premier grand événement ne représente pas un véritable défi. La logistique est bien rodée : casquettes et chemises orange aux couleurs du parti au pouvoir (RHDP) seront distribuées afin d’avoir de belles images d’une foule à l’unisson, dans laquelle se mêleront de vrais partisans et des figurants qui recevront sandwiches, boissons et un petit billet de 5000 francs, équivalant à 7,50 euros. En revanche, la sécurisation de ce meeting a nécessité de gros moyens. Selon certaines sources sécuritaires, dès le jeudi soir, Daloa était déjà sous cloche et toutes les routes menant à la ville étaient coupées. Cela dénote la tension qui règne et montre les craintes des autorités. Un cadre du RHDP relativise : « nous ne sommes ni très sereins, ni très tendus. »

Du côté de l’opposition, on s’est préparé à toutes les éventualités. La grande marche allait-elle être interdite comme le fut celle du 4 octobre ? Cette fois, tous les états-majors juraient que, quoi qu’il arrive, ils ne reculeraient pas. Malgré cela, les fausses informations ont pullulé sur le net, annonçant ici que la manifestation est annulée, là circulait un faux article de RFI dans lequel l’épouse de Laurent Gbagbo assurait que son mari n’a pas appelé à marcher ! Pour mettre un terme à cette avalanche de fake news, le Front Commun s’est fendu d’un communiqué. Un document sommaire, titré « La marche du 11 octobre aura bel et bien lieu ».

D’autres rumeurs circulaient sur les intentions du pouvoir. La commune de Yopougon, bastion des pro-Gbagbo, sera-t-elle encerclée par les forces de l’ordre afin que les habitants ne puissent sortir pour se rendre à la marche ? D’autres questions se posaient : comment faire si toutes les voies d’accès sont bloquées pour se rendre au point de rendez-vous dans la commune de Cocody ? Comme le dit d’une manière imagée un militant : « Pour manifester en Côte d’Ivoire, il faut avoir le cardio ! » Et puis finalement en début d’après-midi, 

Préparatifs et tensions sur le terrain

A la veille de cet événement, Abidjan reste calme, mais dans la capitale comme dans les villes de l’intérieur du pays, notamment à Dabou, Gagnoa et Yamoussoukro les autorités ont d’ores et déjà déployé en masse les Forces de Défense et de Sécurité.  

Face à ce climat de tensions et de crispations, beaucoup de familles ont préféré anticiper les risques. De nombreux habitants ont pris le chemin du village, le temps que le soufflé de l’élection retombe : « si tout est bloqué, au village on aura toujours à manger », et tant pis pour l’école des enfants, ils reprendront les cours après les vacances de la Toussaint, si tout va bien…

À ce climat de crispation s’ajoutent des décisions qui prêtent à sourire. Le parquet général a récemment adressé une directive interdisant d’utiliser le deuxième prénom du président, « Dramane ». Une injonction justifiée par la volonté de « respect de la fonction », mais jugée par beaucoup comme un excès de zèle dérisoire. Résultat : le diminutif « ADO », omniprésent depuis des années, devrait désormais s’écrire « AO ». Une consigne difficile à appliquer, tant elle paraît déconnectée du langage courant.

Ainsi va la Côte d’Ivoire…. Le pays avance sur le fil du rasoir, prêt à sauter dans l’inconnu. Le pouvoir veut afficher sa maîtrise, l’opposition veut montrer sa force et ses capacités de rassemblement, la population, elle, participe ou observe, partagée entre espoir et crainte.

La campagne lancée et les dés jetés, l’équation ivoirienne complexe et incertaine reste entière. Nul ne peut prédire son dénouement…

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