Le Burkina Faso prépare sa jeunesse à la guerre

L’état de la mobilisation de la jeunesse au Burkina s’inspire, selon certains observateurs, des expériences du Venezuela actuel ou du Rwanda au lendemain du génocide.
 
Un article du site « Veille sahélienne »
 
 

Le 9 septembre 2025, des scènes de liesse ont marqué la ville de Koudougou, dans l’ouest du Burkina Faso, quand prenait fin le programme « d’intégration nationale obligatoire ». Le dispositif, piloté par le gouvernement à l’intérieur des zones sous son contrôle – en particulier les villes – vise à renforcer l’esprit patriotique et la discipline chez les jeunes Burkinabè qui viennent d’obtenir leur diplôme de fin d’études secondaires.

La formation s’impose désormais aux titulaires du baccalauréat s’ils souhaitent s’inscrire à l’université. Elle comprend un entraînement d’éducation physique et de secourisme, un parcours militaire léger, ainsi que des modules d’enseignement sur la souveraineté nationale, les valeurs de la république, l’endoctrinement révolutionnaire, le civisme, l’apprentissage de la veille citoyenne et – nouveauté – l’aptitude à reconnaître et dénoncer, assez tôt, les signes de radicalisation parmi les civils.

Des centaines d’adolescents vêtus de t-shirts verts, brandissaient des drapeaux. Le 9 septembre 2025, selon une vidéo de la chaîne Burkina24 TV, ils célébraient leur sortie, chants et danses à l’envi, le long des rues de Koudougou. Certains, portés en triomphe, arboraient des uniformes de l’armée, apparemment fiers d’inaugurer la vocation de l’héroïsme.

Complotisme et slogans


Cependant, l’invention burkinabé semble davantage se rapprocher du cas de la république de Guinée, sous Sékou Touré avec, cependant, plus d’insistance quant à la complicité, entre l’impérialisme occidental et le terrorisme jihadi, visages complémentaires de l’ennemi à éradiquer. Devant des centaines de « volontaires », les formateurs, n’ont lésiné sur l’usage du complotisme, la convocation du raccourci et l’abus du slogan.

Selon des associations de la société civile et quelques rares familles qui osent braver le risque de passer pour ennemis de la Révolution, les recrues du moment pourraient se faire projeter, en qualité de réservistes, vers des missions de maintien de l’ordre ou de combat. Face à l’insurrection islamiste et compte tenu du caractère rudimentaire de leur apprentissage, ils constitueraient, alors, une chair à canon dont la vulnérabilité relève de l’évidence.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)