Dans un rapport publié récemment l’ONG International crisis group (ICG) appelle à prendre en compte les aspects économiques de la reconstruction du pays
La mort samedi dernier de cinq casques bleus rwandais de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations pour la stabilisation de la Centrafrique (Minusca) lors d’un tragique incident a relancé le débat sur la stratégie onusienne dans ce pays d’Afrique centrale confronté depuis plusieurs années à une grave crise politique et humanitaire. Pour l’ONG International Crisis group (ICG), « la dernière résolution des Nations unies s’inscrit malheureusement dans la continuité et ne fait guère preuve d’imagination en évitant soigneusement d’impliquer la Minusca dans l’indispensable tâche de reconstruction stabilisatrice ».
Dans un rapport consacré au pays, au terme de plusieurs semaines d’enquête sur place, ICG estime qu’il « se révèlera impératif de compléter et modifier le mandat de la Minusca pour utiliser l’économie comme levier de la stabilisation, de poser les fondations d’une administration plus intègre et lutter contre la prédation par des actions de police régionales, voire internationales ».
Estimant que les Nations unies vont droit dans le mur en Centrafrique avec leur approche actuelle, l’ONG les appelle à sortir du champ balisé des mandats traditionnels et à comprendre qu’une opération de maintien de la paix n’est pas une stratégie mais un outil.
« L’organisation des élections n’est pas une sortie de crise », met en garde ICG qui déplore que les acteurs internationaux n’acceptent pas « un sérieux exercice d’analyse rétrospective et d’autocritique » pour tirer les enseignements de précédents échecs d’interventions multinationales en Centrafrique.
Lutte sans merci contre la corruption
Les auteurs du rapport vont bien au-delà de la seule responsabilité des Nations unies pour définir les conditions minimales de la reconstruction de la Centrafrique. Selon eux, rien de solide ne peut être envisagé dans le pays sans une relance de l’économie et une meilleure gouvernance économique.
« Grande absente de la résolution de la crise en RCA, la relance de l’économie n’en est pas moins indispensable. Il s’agit en effet de répondre à deux objectifs essentiels : à court terme, fournir du travail à la population par une politique de reconstruction et, à plus long terme, rebâtir une économie productive qui a disparu afin de réduire le champ d’action des groupes armés », conseille ICG.
L’ONG insiste la nécessité de compléter la relance économique par une réforme totale de la gestion des finances publiques guidée par la volonté de lutter contre la corruption d’Etat.
« L’assainissement des finances publiques et la réorganisation de certains services financiers de l’Etat doivent être des priorités. Ces chantiers sont compliqués à mettre en œuvre dans les pays frappés par des crises cycliques comme en RCA, car ils se heurtent souvent à l’absence de la volonté politique des dirigeants de réformer leurs administrations », insiste le rapport.
En dépit de ses immenses ressources extractives, la Centrafrique est classé au plus bas du classement de l’indice du développement (IDH) des Nations unies.
« La lutte contre la prédation passe par la suspension des signatures de contrats miniers, la reprise du contrôle du secteur diamantifère, la lutte contre les trafics internationaux et la recherche des fonds présumés détournés par les deux gouvernements précédents », poursuit ce rapport opportunément intitulé « La crise centrafricaine : de la prédation à la stabilisation ».
Toutes ces réformes ont pour enjeu principal d’assurer un changement de gouvernance en Centrafrique, un passage indispensable pour éviter que le pays ne retombe dans une nouvelle crise, même en cas de succès de la transition actuelle. L’ONU ne semble pas avoir choisi cette lecture des événements, ce que déplore ICG.