Les pays arabes ne porteront pas secours à Gaza. Aucun d’entre eux n’a engagé la moindre initiative diplomatique d’envergure pour empêcher la réoccupation de l’enclave et mettre fin au déluge israélien de feu et d’acier qu’elle subit depuis bientôt deux ans.
Par Akram Belkaïd, (revue de presse : Le Monde diplomatique – septembre 2025)*
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Malgré un bilan humain terrifiant (70 000 morts dont 70 % de femmes et d’enfants selon les estimations) et une famine digne des pires sièges médiévaux, il n’est pas une capitale du Maghreb ou du Machrek exigeant des sanctions contre Tel-Aviv ou menaçant ses partenaires occidentaux de mesures de rétorsion pour leur soutien indéfectible à M. Benyamin Netanyahou et à son gouvernement (1). Contrairement à ce qui advint en 1973 pendant la guerre d’Octobre, l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (Opaep) ne cherche pas à convaincre les autres producteurs de restreindre les livraisons d’or noir afin que Washington fasse pression sur son protégé. Certains événements symbolisent parfaitement ce changement d’époque : alors que les armes américaines continuent d’affluer en Israël et que le Congrès vote crédit sur crédit au profit de Tel-Aviv, l’USS Forrest Sherman, un destroyer de la marine de guerre des États-Unis, fait tranquillement escale à Alger en mai (2).
Récemment libéré après quarante et un ans de détention en France, le militant communiste Georges Ibrahim Abdallah fustige les peuples autant — sinon plus — que leurs dirigeants.
“Les enfants de Palestine meurent de faim”, déclarait-il à son arrivée à Beyrouth. “C’est une honte pour l’histoire. Une honte pour les masses arabes, plus encore que pour les régimes. Les régimes, on les connaît. Combien de martyrs sont tombés dans les manifestations ? En tentant de franchir les frontières de Gaza ? Aucun. Personne n’est tombé. Tout dépend du peuple d’Égypte, plus que de toute autre partie”.
Les dirigeants égyptiens ne l’entendent pas de cette oreille. Sans retenue, ils renforcent la coopération économique avec Tel-Aviv. Pour Le Caire, il n’est pas question de rompre les relations diplomatiques, même si chaque jour les Gazaouis meurent par dizaines. Certes, 40 000 soldats égyptiens sont bien déployés dans le nord du Sinaï, mais leur mission n’est pas de frayer un passage pour l’aide humanitaire, plutôt d’empêcher un afflux de réfugiés dans la péninsule. S’il n’était inodore, on pourrait affirmer que cette passivité sent le méthane. Début août, la compagnie israélienne Newmed annonçait la signature d’un contrat “historique” de 35 milliards d’euros portant sur la fourniture à l’Égypte de gaz naturel extrait du site offshore Leviathan à partir de 2026. Les livraisons en jeu — 135 milliards de mètres cubes sur quinze ans — correspondent à 20 % de la consommation annuelle du pays. Depuis 2019, et la conclusion d’un premier contrat d’achat de 60 milliards de mètres cubes, Le Caire accepte donc que sa sécurité énergétique dépende de son voisin. Ce qui explique sans doute que ses forces de police aient empêché, souvent de manière musclée, les participants à la marche mondiale vers Gaza de converger vers le Sinaï en juin.
Autre exemple, les Émirats arabes unis ont normalisé leurs relations avec Israël en 2020 dans le cadre des accords Abraham. Edge Group, l’un des fleurons de leur industrie de défense, annonçait en janvier vouloir investir 10 millions de dollars pour acquérir une participation de 30 % dans la société israélienne Thirdeye Systems spécialisée dans la détection de drones grâce à l’intelligence artificielle. En Égypte, aux Émirats ou au Maroc, autre pays signataire des accords Abraham, la normalisation avec Israël rime avec bonnes affaires. De quoi inspirer la Syrie et l’Arabie saoudite, qui multiplient les contacts avec l’ennemi des Palestiniens.
*Source : Le Monde diplomatique
Traduit par Spirit of Free Speech