Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra a été reçu par Vladimir Poutine à Moscou le 16 janvier dernier. Derrière les sourires officiels et les poignées de main, une négociation tendue se joue : le remplacement des paramilitaires de Wagner par Africa Corps, une nouvelle force militaire russe placée sous le contrôle direct du Kremlin.
Depuis la mort suspecte dans un accident d’avion d’Evgueni Prigogine, patron du groupe Wagner, la Russie cherche à reprendre le contrôle de ses opérations extérieures. Africa Corps, entité créée par le ministère russe de la Défense, incarne cette volonté de centralisation. Officiellement présentée comme une force de coopération, elle vise à sécuriser les intérêts russes en Afrique, notamment en République centrafricaine, où Wagner a longtemps agi comme bras armé officieux du Kremlin.
Une facture salée pour Bangui
Selon des sources proches du dossier, Moscou exige de Bangui un financement mensuel de l’ordre de 15 millions de dollars pour les services d’Africa Corps. Maxime Balalou, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement centrafricain, a exprimé publiquement l’impossibilité pour la République centrafricaine de payer 15 millions de dollars par mois pour les services des mercenaires russes. Il s’est interrogé : « Combien a-t-on de ressources pour décaisser 15 millions de dollars ? Convertissez cela en francs CFA. Nous avons un programme avec le FMI. Si nous sortons ces fonds, le programme avec le FMI sera stoppé. Le coût élevé de cette transition suscite en effet de vives inquiétudes à Bangui, où les ressources budgétaires sont limitées (le budget annuel de l’État étant inférieur à 300 millions de dollars) et dépendent largement de l’aide internationale. Le président Touadéra, acculé financièrement, propose en échange un accès élargi aux ressources minières du pays : or, uranium, fer. Des négociateurs russes, dont le vice-ministre de la Défense, ont effectué plusieurs visites à Bangui pour finaliser les termes de ce partenariat. Mais les discussions achoppent sur la nature du paiement et les garanties opérationnelles.
Des doutes sur l’efficacité d’Africa Corps
Si Wagner était redouté pour son efficacité brutale, Africa Corps suscite des réserves au sein du gouvernement centrafricain. Jugée trop bureaucratique, moins réactive et peu adaptée aux réalités du terrain, la nouvelle force peine à convaincre. Touadéra, conscient des limites de ses marges de manœuvre, cherche à gagner du temps tout en évitant une rupture brutale avec Moscou voulant éviter de se retrouver pieds et poings liés à une force qu’il ne contrôle pas et dont l’efficacité reste à prouver. L’exécutif centrafricain redoutent un manque de flexibilité opérationnelle : Africa Corps est directement rattachée à l’État russe, ce qui ralentit les prises de décision sur le terrain. Il faut par ailleurs souligner certains revers militaires qu’a récemment subi Africa corpos dans certaines zones du Sahel, notamment au Mali et au Niger, où les Russes peinent à contenir les insurrections djihadistes malgré des équipements avancés. Ainsi, des États comme la Centrafrique ou le Burkina Faso, qui avaient bénéficié du soutien direct et musclé de Wagner, doutent de la capacité d’Africa Corps à maintenir le même niveau d’efficacité
Une transition sous haute tension
Africa Corps représente une volonté du Kremlin de formaliser sa présence militaire en Afrique, en abandonnant le modèle semi-clandestin de Wagner. Mais cette transition, bien que stratégique, semble avoir affaibli l’impact immédiat sur le terrain. Par cette recomposition stratégique, la Russie entend maintenir son influence sécuritaire tout en donnant une apparence de légalité à ses opérations. Pour Bangui, l’enjeu est de préserver sa souveraineté, tout en continuant à bénéficier du soutien militaire russe face aux groupes rebelles. Faustin-Archange Touadéra, pris entre le marteau russe et l’enclume de ses fragilités structurelles internes, tente de naviguer dans une mer de compromis.