Je suis un enfant de Gaza

Je suis un enfant de Gaza

Par Mouloud Améziane 

Je suis un enfant de Gaza.
Je suis l’os tranchant de votre silence.
Je suis le sang noir dans vos lois blanches.
Je suis l’écharde dans le cœur du monde.
Je suis la rumeur d’un peuple qu’on égorge sous les néons du droit.

Je suis un enfant de Gaza —
Je n’ai pas eu le temps de devenir poète.
Ma langue a été prise en otage avant le premier cri.
Mon sommeil bombardé, mon rire suspendu à un fil de phosphore.
Mon âme ? Elle ne tient plus dans mon corps fendu.
Elle rôde — elle accuse.

À travers moi,
C’est le droit qu’on assassine,
C’est l’humanité qu’on ampute,
C’est la liberté et la démocratie qu’on insulte.
Ce sont les souffrances de tous les peuples passés qu’on enterre.
C’est la mémoire des luttes qu’on trahit.
C’est l’Histoire elle-même qu’on profane.

Me tuer par les armes,
Me laisser périr sans soins,
Détruire mon école, ma maison,
Me laisser mourir de faim —
C’est tuer l’humanité tout entière.

Je suis un enfant de Gaza.

Je suis vos cauchemars d’aujourd’hui et de demain.
Je suis la fin de votre tranquillité.
Je suis le contrat que vous avez signé avec le diable.

Je suis un enfant de Gaza,
Et je vous regarde.
Depuis les gravats,
Depuis le ventre de ma mère éventrée,
Depuis l’école démolie à l’aube,
Depuis le pain devenu cendre.
Je vous regarde —
Et vous détournez les yeux,
Mais je suis là, dans l’ombre de vos conforts.

Je suis l’être qui supplie vos consciences.
Je suis la preuve de vos trahisons. 
L’universel. Le droit. Le poème.
Je suis la fin de vos serments.


Vivant, je vous accable.
Mort, je vous déchire.

Je suis un enfant de Gaza —
Je suis déjà cent mille.
Je suis le futur que vous avez tué
Et qui revient chaque nuit cogner vos consciences.
Je suis ce cri que vous n’éteindrez pas.
Je suis la brûlure que l’Histoire grave sur vos paupières closes.

Et si Dieu se tait,
C’est qu’il pleure en moi.